Quelle place à la jeunesse dans les partis politiques sénégalais ?

Analyse

Au Sénégal, la jeunesse représente une part démographique significative. Malgré la diversité des formations politiques présentes dans le pays, les partis politiques peinent à susciter l'intérêt et souffrent d'une mauvaise réputation auprès des jeunes. À l'approche de l'élection présidentielle de mars 2024, la chercheuse Malado Agne se penche sur l'engagement civique des jeunes au Sénégal, leur relation avec la sphère politique et, plus précisément, avec les partis politiques.

jeune portant des baskets posant devant un banc public tagué

La vie politique sénégalaise est rythmée par la tenue d’élections régulières nationales (élections présidentielle et législatives) et locales (municipales et départementales). À l’instar de toutes les démocraties modernes, l’offre politique dans ce pays est structurée par les partis politiques. Régi par le multipartisme depuis 1981, le Sénégal enregistre aujourd’hui plus de 300 partis politiques, dont la grande majorité, qualifiée de « partis-fantômes » ou de « micro-partis », n’a qu’une existence fictive. Au Sénégal, les jeunes constituent un poids démographique considérable. Selon les statistiques de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) de 2023, l’âge médian de la population s’élève à 19 ans et la moitié de la population est âgée de moins de 19 ans.

D’après les chiffres issus du précédent recensement, les Sénégalais de moins de 35 ans représentent 76 % de la population. Paradoxalement, la sphère politique et particulièrement les formations partisanes demeurent sous le monopole de leaders et cadres situés dans la catégorie d’âge des seniors, ce qui engendre une  marginalisation voire une exclusion des jeunes dans ces milieux. La moyenne d’âge de l’élite politique est si élevée que l’on ne trouve que difficilement de « vrais » jeunes (c’est-à-dire des personnes de 35 ans et moins) occuper les fonctions de chef et cadre de partis politiques ou celle de ministre. Ainsi, une personne âgée de 45 ans occupant l’un de ces postes pourra être considérée comme jeune.

Les partis politiques et la politique de manière générale ont mauvaise presse et exercent une faible attractivité auprès des jeunes. Le désenchantement politique et partisan trouve une de ses origines dans l’incapacité de l’élite dirigeante à résorber les difficultés auxquelles ces derniers sont confrontées, particulièrement le chômage. Une enquête intitulée « Millennial Dialogue » menée en 2016 (Fondation européenne d’études progressistes (FEPS)/Imagine Africa Institute) révèle que les jeunes sont peu intéressés par la politique telle qu’elle se présente de nos jours, la participation aux meetings politiques n’intéressant qu’un jeune sur dix, alors qu’un jeune sur deux se mobiliserait pour un événement sportif ou religieux.

La crise de confiance dont souffrent les systèmes politique et partisan auprès des jeunes trouve son origine dans plusieurs facteurs. Frappé d’une image ternie voire très négative, le milieu politique est soupçonné d’être dépourvu de moralité et d’exemplarité. Des pratiques comme la corruption, le clientélisme ou la « transhumance politique » (le passage opportuniste du camp de l’opposition à celui de la majorité au pouvoir) sont très mal perçus par les citoyens car jugés non éthiques. Les élites politiques sont taxées de mensonges répétés, de promesses vaines, de « wax waxeet » (le fait de se dédire), de trahison de la parole donnée ou d’indifférence par rapport aux besoins des populations. Le soupçon d’opportunisme, d’hypocrisie et d’instrumentalisation poursuit les leaders politiques et partisans, accusés d’être à la recherche d’une aubaine financière et d’un tremplin social.

En outre, la liberté de parole et d’action apparaît limitée dans les partis politiques, un alignement derrière la ligne définie par le chef ainsi que le respect de la discipline du parti étant exigés à l’endroit des membres et des militants. L’opacité de leur fonctionnement, le déficit de démocratie interne ainsi que leur prolifération douteuse, à la faveur de l’extrême facilité présidant à leur création, accroissent l’inappétence des citoyens à leur égard.

La désaffection des jeunes découle de leur position marginale au sein des organes partisans.

Des problématiques sociologiques tendent également à décourager les jeunes qui seraient tentés par l’aventure politique : l’accaparement des appareils partisans par les aînés, qui peinent à céder la place aux plus jeunes, particulièrement au sein des partis politiques historiques  implantés au Sénégal depuis plusieurs décennies. Considérant ces derniers comme sa chasse-gardée, la classe politique vieillissante juge souvent la jeunesse insuffisamment expérimentée, voire inconsistante. En dépit de ses succès électoraux, la classe politique traditionnelle semble méfiante face à une jeunesse davantage perçue comme rivale plutôt qu’alliée. Dans un contexte culturel où la confrontation des cadets avec leurs aînés demeure très mal perçue, la situation apparaît d’autant plus complexe qu’il semblerait que l’accès des jeunes soit conditionné par leur « protection » par un parrain ou une marraine, les liens interpersonnels forgés les uns avec les autres apparaissant essentiels, particulièrement dans les formations politiques éclatées en « écuries ».

À l’élection présidentielle de 2019, les cinq candidats définitifs (uniquement des hommes) étaient tous nés entre 1953 et 1961 hormis Ousmane Sonko, né en 1974. La moyenne d’âge des candidats s’élevait alors à 58 ans. S’agissant de l’élection présidentielle de mars 2024, les plus jeunes candidats ayant passé l’étape des parrainages sont Pape Djibril Fall (né en 1986), Anta Babacar Ngom (née en 1984) et Bassirou Diomaye Faye (né en 1980). La moyenne d’âge globale des candidats en lice demeure cependant à peine plus basse que celle de 2019.

Face au poids électoral considérable qu’ils représentent, les jeunes, particulièrement les primo-votants, font l’objet de toutes les convoitises de la classe politique pour leurs suffrages. À l’avant-garde des luttes politiques et citoyennes, ils sont également âprement courtisés du fait de leur énergie et de leur dynamisme, des atouts que les partis politiques souhaitent capter, notamment pour mobiliser des militants et animer la structure. Lors de la présidence d’Abdou Diouf, l’homme politique Abdoulaye Wade avait largement fait appel à la mobilisation des jeunes, notamment à l’occasion de la crise de 1988, afin d’acculer le parti au pouvoir et l’obliger à mener les réformes juridiques et institutionnelles attendues. Enfin, la jeunesse est convoitée pour son engagement au sein des partis politiques et pour l’attractivité qu’elle est susceptible d’exercer auprès des jeunes votants.

Du point de vue du bénéfice électoral, la question demeure de savoir si les jeunes seront plus enclins à voter pour un parti mené ou composé par des jeunes. L’élite politique semble le croire. Estimés à plus de deux millions lors des élections législatives de 2022, les suffrages des jeunes ont été jugés déterminants pour faire basculer le scrutin, dans un contexte où, lors des élections locales tenues quelques mois auparavant, ces derniers avaient massivement voté pour l’opposition. La victoire de Seydina Issa Laye Thiaw, 34 ans, à la mairie de Yoff en 2022 face à un ministre cofondateur du parti du président Macky Sall, a été analysée comme ayant été rendue possible grâce aux suffrages de l’électorat jeune.

Le PASTEF, un parti de jeunes ?

Dans la galaxie des partis politiques sénégalais, PASTEF (Les Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité) fait figure d’exception du fait de l’attrait considérable qu’il exerce sur la jeunesse et de sa capacité de mobilisation et d’animation exceptionnelle. Fondé en 2014 par l’ancien inspecteur des impôts frappé de radiation, Ousmane Sonko, le jeune parti est dissous (fait inédit au Sénégal depuis 1961) par un décret présidentiel du 31 juillet 2023 qui fonde la décision sur les motifs liés à l’appel à des mouvements insurrectionnels et aux graves troubles à l’ordre public. Par delà sa disparition juridique, la dynamique politique de PASTEF s’est reconstituée autour de la Coalition Diomaye Président qui fédère les acteurs historiques du parti dissous ainsi que leurs militants.

groupe de femmes militantes du PASTEF

Le fait que PASTEF soit un parti récent créé à l’initiative d’un homme jeune (au regard de l’âge moyen des fondateurs de structures partisanes) ainsi que la place faite à la jeunesse, notamment celle de la diaspora, au sein de ses instances dirigeantes créent un attrait des jeunes pour cette formation politique. À l’élection présidentielle de février 2019, le leader du PASTEF, alors âgé de 44 ans (né en juillet 1974), était le plus jeune candidat. L’engouement et l’espoir suscités par Ousmane Sonko au sein de la jeunesse ont provoqué le plus fort taux d’inscription à la révision exceptionnelle des listes électorales en 2023 dans ses fiefs que sont le département de Bignona et Ziguichor.

Si le jeune âge du fondateur du parti a indubitablement constitué un atout, la rupture incarnée par le discours nationaliste a également séduit. Ousmane Sonko a développé une feuille de route dite « anti-système » qui, du fait de sa teneur contestataire, a trouvé écho favorable dans l’esprit de nombreux jeunes lassés par le chômage, les injustices persistantes et les inégalités sociales. L’originalité du parti réside également dans l’usage massif des réseaux sociaux comme média de communication et de mobilisation. Le soutien pour l’homme et le parti s’est exprimé à travers les manifestations de jeunes, sortis par milliers lorsque Sonko a connu des démêlées avec la justice sénégalaise à partir de 2021, laquelle était accusée d’entraver sa candidature à l’élection présidentielle.

Les stratégies d’attraction des jeunes se multiplient dans les partis politiques

Une corrélation semble exister entre le vote des jeunes et la présence de jeunes dans les partis politiques. Par un processus d’identification, un « parti de jeunes » serait davantage susceptible d’attirer les suffrages des jeunes. Face à cette réalité, les structures partisanes développent diverses stratégies ou politiques d’attraction des jeunes.

D’abord, le discours politique adressé à la jeunesse l’incite à s’engager afin de réaliser

l’« alternative générationnelle » ou bien présente celle-ci comme une priorité dans le projet de société proposé par la formation partisane. Est également développée une communication politique mettant en exergue la composition jeune du parti. Sur la page d’accueil de son site Internet, PASTEF se présente comme un parti qui « a été fondé en janvier 2014 par des jeunes cadres (…) qui, pour la plupart, n’ont jamais fait de la politique. » Sont également instituées des organisations de jeunesse des partis politiques, qui sont des instances de jeunes logées au sein même de ces derniers et parfois représentées dans plusieurs pays. On peut citer à titre d’exemple la Convergence des jeunes républicains (APR), le Mouvement national des jeunesses socialistes (PS), la Jeunesse patriotique du Sénégal (PASTEF) ou encore l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (PDS).

En outre, des campagnes d’adhésion ciblant spécifiquement les jeunes sont initiées par les structures politiques qui s’appuient largement sur les réseaux sociaux. Elles sont le plus souvent impulsées par les mouvements de la jeunesse des partis, comme le Projet « 500 milles patriotes » lancé en 2021 par la Jeunesse patriotique du Sénégal et visant les primo-votants, les étudiants et les sympathisants du parti. Enfin, est déployée une stratégie de mise en avant de jeunes à des postes stratégiques, comme celui de porte-parole.

Qu’en est-il de l’efficacité de ces opérations et stratégies ? En mai 2021, la moitié des jeunes de 18-25 ans n’était pas inscrite sur le fichier électoral, l’estimation chutant de 10 % pour ceux âgés de 18 à 20 ans, soit plus d’un million de voix selon l’ANSD. L’investiture des jeunes pour briguer les mandats en lice reste, au demeurant, limitée. L’appel des partis politiques adressé à la jeunesse semble ainsi être resté vain.

Des incitations multiples pour un engagement politique et partisan des jeunes sont également lancées en dehors des partis politiques, notamment par des mouvements citoyens de jeunes se réclamant apolitiques et apartisans. Ce fut le cas du mouvement « Jeunesse Avenir du Sénégal » qui a publiquement invité la jeunesse sénégalaise à voter à l’élection présidentielle de 2019.

La voix des écrivains et des intellectuels se fait également entendre. L’ouvrage collectif « Politisez-vous : un phare dans le brouillard » paru en 2017 réunit la contribution de dix jeunes sénégalais qui incitent les jeunes à s’engager politiquement, notamment dans les partis politiques.

Face aux lacunes constatées en matière de compétences et de culture politique, des ateliers et programmes de formation et de renforcement de capacités pour le leadership politique et partisan des jeunes sont organisées par des structures aussi diverses que l’État, les fondations étrangères ou les ambassades, le plus souvent en partenariat avec des organisations de la société civile locales.

La mission de formation des citoyens dévolues aux partis politiques par l’article 4 de la Constitution du Sénégal demeure en grande partie une coquille vide. Rares sont les formations partisanes ayant institué une école du parti véritablement opérationnelle, étant entendu que le syndicalisme universitaire sert parfois de prélude à un engagement partisan.

L’impuissance des acteurs politiques face aux espoirs

En écho à la principale préoccupation exprimée par la jeunesse sénégalaise, les promesses électorales formulées à son endroit ont essentiellement pour objet la question de l’emploi. En 2012, le candidat Macky Sall avait promis aux jeunes la création de 500 000 emplois au cours de son premier septennat. L’objectif n’avait pas été atteint puisqu’en 2019 seuls 491 000 emplois avaient été créés selon les chiffres officiels, bien que des rapports de la Direction des statistiques du travail et des études (DSTE) aient démontré que ces chiffres étaient surévalués et que les contrats à durée indéterminée représentaient à peine le quart des contrats déclarés. Aujourd’hui, les jeunes formulent un constat identique. Ce qui est pénible, déclare l’un d’eux, « c’est quand on forme des jeunes au pavage, recrute des ASP [assistants à la sécurité de proximité] payés 50 000 f par mois et qu’on se targue d’avoir créé un programme d’emplois qui dépasse les limites de la précarité. Quand un ministre s’est permis de comptabiliser les travailleurs journaliers et saisonniers dans leur bilan (…). De plus, je suis outré lorsque je vois tous ces enfants qui vont à l’école, tous ces étudiants qui, après avoir passé 17 à 20 années de leur vie à étudier, se retrouvent dans un désœuvrement total » (Issa Cissé, juillet 2023). Dans le cadre de la campagne menée pour sa réélection en 2019, le chef de l’État s’était engagé à créer un million d’emplois en cinq ans, promesse une nouvelle fois demeurée vaine.

En dépit de la création d’une kyrielle de programmes et de structures étatiques dédiées généreusement dotées, la problématique de l’emploi des jeunes demeure aujourd’hui entière et irrésolue, et, corrélativement, celle de l’émigration périlleuse et mortifère. Selon l’ANSD, le taux de chômage des jeunes au Sénégal était estimé à 21,9 % en 2022, contre 10 % en 2012.

Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2024, les programmes des candidats à l’élection présidentielle de 2024 accordent une place variable à la jeunesse du Sénégal. Une constante demeure cependant : les propositions phares qui lui sont adressées concernent en premier lieu la thématique de l’emploi et du travail, mise en lien avec l’exigence de soutien des politiques publiques dans les secteurs clés que constituent l’éducation, la formation, l’entreprenariat, l’agriculture, les TIC, les industries, la culture. Si les idées foisonnent, les propositions concrètes d’éradication du chômage des jeunes demeurent le parent pauvre des programmes électoraux.

Pleine d’initiatives et d’ambitions, la jeunesse sénégalaise témoigne inlassablement de sa créativité et de son engagement dans de nombreux secteurs d’activités en tant qu’entrepreneur commercial et agricole, agents culturels, acteur citoyen, ... Elle souffre cependant d’un déficit de formation, de compétences et de savoirs mais également d’un manque d’opportunités et de perspectives qui l’incite à fuir le pays. L’un deux témoigne : « En tant que HR Manager, j’ai eu à côtoyer beaucoup de jeunes experts dans leurs domaines, travailleurs, rigoureux et compétents, qui peuvent sinon être des modèles pour les autres jeunes, au moins être des sources de motivation pour leur réussite sociale et professionnelle. (…) Cette jeunesse que l’on a laissé à elle-même, jusqu’à ce qu’elle affronte les terribles vagues de la mer pour se rendre dans un supposé eldorado européen, eh bien cette jeunesse regorge de talent dans tous les domaines et ne demande que des opportunités pour pouvoir exploser » (Souleymane Ndiaye, juillet 2023).

Les alternatives aux partis politiques offertes à la jeunesse

jeune homme arrachant une affiche du parti au Pouvoir

Face au désamour et à la défiance manifestés par la jeunesse à l’endroit des partis politiques, deux alternatives se présentent à elle.

D’une part, l’option de l’engagement politique apartisan, c’est-à-dire en dehors de toute appartenance à un appareil politique, répond au désir des jeunes de contribuer à la chose publique, voire d’être élus, sans être enserrés dans les contraintes d’une structure politique. Une expérience concluante a été menée à Ngor (arrondissement de Dakar) en 2014, avec l’élection d’une liste de jeunes citoyens (chefs d’entreprise, travailleurs sociaux, …) ayant emporté la conviction des électeurs sans être affiliés à aucun parti ni avoir de passé politique.

D’autre part, l’option de l’engagement citoyen et militant recueille plus largement l’approbation des jeunes et sert de réceptacle à leur contestation ainsi qu’à leurs discours et revendications politiques.

Le jeune fondateur d’une organisation citoyenne déclare ainsi : « (…) Ça fait dix ans que je déconseille aux jeunes d’adhérer dans les partis politiques car c’est des machines de consentement et de carriérisme politique et cela est néfaste pour la respiration démocratique. Par contre il faut beaucoup d’associations  de mouvements citoyens et de clubs qui s’engagent sur des causes comme l’environnement entre autre » (Aliou Kane, décembre 2023). Contrairement aux partis politiques dont le principal objectif est la conquête et la conservation du pouvoir, les mouvements citoyens entendent influencer ou infléchir les décisions prises par les autorités publiques. Impulsés majoritairement par des jeunes, ils sont réputés moins corrompus, plus proches des populations, plus transparents, plus démocratiques et plus efficaces que les structures partisanes dans la proposition d’alternatives sociopolitiques. On peut citer l’influent mouvement de contestation « Y’en a marre », le Front pour une Révolution Anti-impérialiste, Populaire et Panafricain (FRAPP) ou le collectif Noo Lànk. Les organisations de la société civile et mouvements citoyens offrent ainsi une alternative sérieuse à l’engagement partisan, leur action ayant souvent été déterminante dans le basculement vers un changement social ou politique.

Il ne faudrait néanmoins pas opposer partis politiques et organisations citoyennes et militantes. Ceux-ci peuvent se retrouver autour d’objectifs et d’intérêts communs, comme ce fut le cas du Mouvement du 23 juin (M23) constitué en 2011 pour, notamment, faire barrage à un troisième mandat du président Abdoulaye Wade ou avec la plateforme des Forces vives de la nation (F24) créée en 2022 pour faire obstacle à une candidature supplémentaire du président Macky Sall. En outre, les organisations de la société civile peuvent constituer l’antichambre de l’antre politique, un tremplin offert aux jeunes pour l’accès à une carrière d’élu. On peut citer Guy Marius Sagna (né en 1979) qui s’est d’abord distingué pour son engagement citoyen, notamment en tant que membre fondateur du FRAPP, avant d’être élu en 2022 député de la coalition politique Yewwi Askan wi (fondée en 2021 par Ousmane Sonko) ou encore Fadel Barro (né en 1977, cofondateur du mouvement « Y’en a marre »), candidat à la mairie de Kaolack en 2022 puis à l’élection présidentielle de 2024. Enfin, dans le contexte de l’élection présidentielle de 2024, la plateforme citoyenne Mouvement Africain de la Jeunesse pour l’Equité, l’Unité et le Renouveau Social – MAJEURS, a, par la voix de sa fondatrice l’ancienne députée Marieme Soda Ndiaye (née en 1992),  officiellement déclaré son soutien au jeune candidat Bassirou Diomaye Faye (44 ans). Dans un communiqué, celle-ci lance un appel à la population sénégalaise, particulièrement aux jeunes, « à récupérer en masse leurs cartes d’identité et à contribuer à sécuriser le processus électoral. » C’est peut-être dans la porosité de la frontière entre les engagements citoyen et politique qui ont en partage un intérêt commun pour la chose publique (porosité qui n’est d’ailleurs pas toujours bien perçue par les citoyens) que réside l’une des voies nouvelles de la mobilisation de la jeunesse au service de l’intérêt collectif.