Sénégal 2024 :  Votes en circonstances inhabituelles.

Editorial

Le 24 mars est la nouvelle date fixée pour l'élection présidentielle au Sénégal ! Quelles sont les questions pressantes à poser aux 19 candidat.e.s par rapport à la migration, à la transition énergétique, l'égalité hommes-femmes et l'urbanisation ? 

Le 24 mars, enfin une date fixée pour les élections présidentielles au Sénégal ! Après l’annulation, le report, l'annulation du report, diverses dates alternatives proposées et discutées par les uns et les autres et une forte pression nationale et internationale le Président sortant a finalement arrêté sa décision sur la tenue des élections.

Les évènements politiques en cours au  Sénégal depuis plusieurs années ont mis à rude épreuve les institutions politiques et les acquis démocratiques, tels que la séparation des pouvoirs. En effet, depuis 2021, le Sénégal a été le théâtre de profondes incertitudes, marquées par une série de violences à travers le pays, découlant de revendications politiques et de préoccupations liées aux droits socio-économiques, en particulier parmi la jeunesse souvent marginalisée par la classe politique. Au départ centrés sur une affaire de mœurs, notamment un présumé viol mettant en cause l’opposant principal, les événements ont rapidement débouché sur un débat politique crucial autour de questions telles que l'indépendance de la justice, le respect des droits et des libertés publiques, ainsi que la souveraineté du peuple sénégalais dans une  Afrique toujours marquée par des structures postcoloniales.

Un jeune brandissant son drapeau à côté d'un pneu en feu. Le hashtag #freeSenegal a été souvent utilisé pendant les manifestations.

L’ampleur des manifestations, les décisions politiques très controversées mais aussi les réactions répressives des forces de sécurité étaient inédites dans  un pays comme le Sénégal qui était longtemps perçu et présenté  comme un modèle de démocratie en Afrique. Les événements récents révèlent que cette image était davantage perçue à l'extérieur qu'elle ne reflétait la réalité vécue par la population sénégalaise. Les violences qui ont fait plusieurs dizaines de morts ont montré une autre image du Sénégal, loin de celle du modèle de pays démocratique.

Cependant, le rejet des propositions du dialogue national par le Conseil Constitutionnel a réjoui de nombreux Sénégalais-e-s et a ravivé l'espoir que ces institutions restent fonctionnelles, robustes et continuent de s'identifier à des principes neutres et démocratiques lorsqu'il s'agit de prises de décision publiques. Toutefois, un sentiment de préjudice demeure car les manœuvres à l’œuvre dans l’espace politique sénégalais ont aussi sapé la confiance de la population dans le système politique et aux acteurs-trices qui l’incarnent. Une confiance que le prochain gouvernement devra gagner à nouveau et reconstruire laborieusement. Beaucoup se demandent si les événements politiques présagent une démocratie sérieusement menacée, ou si le Sénégal traverse simplement une crise dont il émergera et se réconciliera après la fin de la période électorale, comme il l'a déjà fait à d'autres moments de son histoire. Il est évident que les élections présidentielles constitueront un moment décisif pour la démocratie au Sénégal, avec des répercussions potentielles à long terme sur la stabilité de la sous-région. En effet, c'est la première fois que le président actuel ne se présente pas aux élections. Avec  dix-huit candidats et une candidate, ces élections seront les plus inclusives à ce jour, offrant aux Sénégalais-e-s un véritable choix entre des personnalités et des visions politiques diverses.

En fin de compte, la tenue prochaine du scrutin est surtout le succès de la société civile qui, malgré les obstacles, ne se lasse pas de mobiliser, de dénoncer et de rappeler aux décideurs-e-s politiques la longue tradition démocratique sénégalaise et sa nécessaire volonté de confier aux urnes son destin. En témoignent les récentes manifestations pacifiques qui ont finalement étaient autorisées, autant de preuves d’une démocratie bien vivante au Sénégal.

Dans ce contexte crucial, hbs Dakar et ses partenaires souhaitent donner la parole aux Sénégalais et aux acteurs et actrices de la société civile afin qu'ils-elles puissent partager leurs points de vue, leurs impressions, leurs préoccupations, mais aussi leurs espoirs quant au développement du Sénégal. L'objectif de ce  dossier numérique est d'établir un diagnostic de l'état de la démocratie au Sénégal à travers de nombreuses contributions d'intellectuels-les, d'activistes et de chercheur-e-s.

Ce dossier abordera diverses problématiques, présentées à travers différents formats (vidéos, interviews et articles), traitant des sujets relatifs à  la place de la jeunesse dans la démocratie sénégalaise , l’état de la démocratie sénégalaise, l'achèvement d'un véritable système politique décolonial ou bien les aspirations des femmes dans ces élections.

Nous sommes solidaires et restons déterminé.e.s à offrir à nos partenaires et aux ami.e.s de la hbs Dakar, toujours plus de plateformes d'expression pour exprimer leurs opinions libres et éclairées.