Violences basées sur le genre au Sénégal : l'arbre qui câche une dangereuse forêt
En mai 2019, en une semaine, trois cas de viol dont deux suivis de meurtre ont été portés à l’attention du public sénégalais causant son émoi et des réactions de la part des actrices et acteurs de la société civile. Cela a également suscité un élan citoyen d’organisations de femmes qui se sont mobilisées pour dénoncer la recrudescence des violences contre les femmes ces dernières années au Sénégal.
Elles demandent la criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal qui ne sont encore que des délits dans le code pénal sénégalais.
Edito
L’élimination des violences basées sur le genre (VBG) demeure l’un des défis les plus importants et les plus présents au Sénégal. Malgré la ratification de la plupart des conventions internationales relatives à la protection contre les violences basées sur le genre et l’adoption de lois sanctionnant diverses formes de violences faites aux femmes (mutilations génitales féminines, harcèlement sexuel, violences conjugales, etc.), le phénomène persiste.
En plus de porter atteinte à la dignité et à la liberté des êtres humains, les VBG ont des conséquences néfastes et dramatiques sur l’individu, la famille et la société tant sur le plan psychologique, sanitaire et social.
Au Sénégal, l’Etat a fermement exprimé sa volonté en ratifiant les conventions et instruments internationaux visant à protéger les filles et les femmes contre toutes les formes d’abus et de violences. En outre, il est important de souligner l’existence d’un plan d’action national multisectoriel (2017–2021) pour l’éradication des VBG et la promotion des Droits Humains ainsi que d’autres mesures prises en matière de promotion de l'égalité des genres. Toutefois, au vu des efforts entrepris, l’on note en mai 2019, en une semaine trois cas de viol dont deux suivis de meurtre qui ont défrayé la chronique dans le pays. Les populations se sont levées, les acteurs et actrices de la société civile, femmes comme hommes, pour demander la criminalisation du viol.
Pourtant, le Sénégal dispose d’un cadre juridique et réglementaire favorable à la promotion des droits de la femme. En effet, le pays a ratifié divers instruments internationaux promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes. parmi lesquels: Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF), Convention des Droits de l’Enfant, Charte Africaine des Droits et Bien être de l’Enfant (CADBE), Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo), Acte Additionnel relatif à l’égalité de droits entre les femmes et les hommes pour le développement durable dans l’espace CEDEAO, Vision 2020 de la CEDEAO, la Déclaration
solennelle en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les instances de décision et au niveau des postes électifs, Agenda 2063 de l’UA, les Objectifs de Développement Durables (ODD part ODD5).
La Constitution de la République du Sénégal de Janvier 2001 pose le principe de l’égalité de l’homme et de la femme devant la loi. A côté de ce cadre juridique et réglementaire, l’on note l’existence d’un cadre de référence des politiques publiques sensibles au genre, à savoir le Plan Sénégal Emergent (PSE) et la Stratégie nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre (SNEEG) promouvant une participation inclusive, équitable ou égalitaire des hommes et des femmes au processus de développement.
Les violences sont actuellement au cœur de débats articulés autour des droits humains, à l’échelle locale comme globale. La lutte contre la violence est devenue un paradigme clé dans la gouvernance des Etats. Elle interpelle aussi bien les décideurs politiques, les organisations de la société civile, les chercheurs, les académiciens, les think-tanks et les citoyens, bref tout le monde.
L’ampleur des violences, leurs multiples formes et leurs conséquences suscitent des interrogations sur la capacité des pouvoirs publics à faire face aux défis en termes de justice et de sécurité. Ces réflexions ont poussé le Président Macky Sall a annoncé le lundi 3 juin 2019 la préparation d’un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie par le ministère de la justice.
Ce qui nous pousse à nous interroger à l’heure où nous en sommes, sur les tenants, les aboutissants mais également les faces cachées du combat que les différents acteurs et actrices (Etat, OSC, Médias etc.) doivent mener pour davantage renforcer la protection des Femmes et des filles au Sénégal.
Ce dossier propose donc une immersion en profondeur dans la problématique des violences basées sur le genre au Sénégal, et sous le prisme juridique, social, psychologique et législatif.
Par Dr Selly Ba