VBG au Sénégal : petit rappel de l'historicité légale des droits des femmes au Sénégal avec Dior Fall Sow, première femme procureure de la République du Sénégal

Mme Dior Fall Sow est magistrate de formation et elle a exercé pendant très longtemps cette fonction avant d’aller à la retraite. Elle a été juge d’instruction puis elle a été nommée procureure de la République au niveau du Tribunal de Saint Louis. Elle a terminé sa carrière au niveau international en tant qu’avocate générale principale au Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Vous avez été la première et -encore à ce jour, la seule - femme à être nommée procureure de la République au Sénégal, pouvez-vous nous faire un petit rappel de l’historicité légale de la promotion et de la protection des droits des femmes et des jeunes filles au Sénégal ?

Vous savez, lorsqu’on regarde nos constitutions depuis la première jusqu’à celle de 2001, on se rend compte que cette question d’égalité homme-femme était garantie par nos textes fondamentaux. Malheureusement, ce qui se passe c’est que dans les faits, cela n’est pas appliqué. On se rend compte encore aujourd’hui qu’il y a de nombreuses discriminations.

Le véritable combat a commencé même avant les indépendances. Quand vous voyez par exemple, « Les mamans de l’indépendance », j’ai moi-même appris que les femmes avaient joué un rôle extrêmement important et cela ne se savait pas.
Je crois que la réalisatrice de ce documentaire, Diabou Bessane, a donné une véritable information et les gens se sont rendus compte que les femmes étaient très actives pendant les années d’avant indépendance et qu’elles avaient même pendant cette période été très impliquées.

Je crois que c’est extrêmement important.

Ensuite, je crois que là où le militantisme des femmes a commencé à être beaucoup plus important, c’est lorsqu’on a commencé à avoir les conventions internationales. Parce que comme je vous disais, il y avait déjà dans la législation nationale égalité entre les hommes et les femmes en droits, mais cela ne se reflétait pas dans les faits. Il existe encore ce déséquilibre qui à certaines de nos coutumes et pratiques socioculturelles. Cela, il faut le dire, a empêché que les femmes puissent jouir effectivement de tous leurs droits.

Devant ce constat, des magistrates ont décidé à partir du code de la famille qui contenait de nombreuses discriminations pour créer une amicale de femmes juristes dans le but de promouvoir le droit des femmes.

Cette amicale qui a eu un engouement très rapide est finalement devenue l’Association des Juristes Sénégalaises qui a commencé en 1974 et cela, après le code de la famille qui est donc de 1972.

C’était la première fois qu’on voyait une association se servir du droit, pour combattre ces inégalités. Il y a eu ensuite d’autres organisations comme « yéwi yéwi » qui est arrivée seulement en 1980 pour vous dire. Souvent je dis qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient, parce que c’est vrai qu’on en parle pas beaucoup, on a beaucoup travaillé, mais finalement les associations disent que d’autres étaient beaucoup plus visibles que nous, peut-être pas dans les activités mais peut-être dans la démarche.

Nous avons alors vraiment voulu nous baser sur le droit pour faire la promotion des droits des femmes.

Ensuite, il y a eu l’avènement des conventions internationales, droits des enfants, droits des femmes, etc. En ce qui concerne les droits des femmes, c’était en 1979 avec la CEDEF qui est une magna-carta comme on l’appelle, des droits des femmes.

Nous avons fait, en partenariat avec l’UNIFEM, une étude comparative - en 1999 - de notre législation nationale avec la convention pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, la CEDEF. A partir de ce moment-là, il y a eu un certain nombre d’associations qui ont continué à se créer en se spécialisant dans certains domaines, par exemple, l’autonomisation des femmes, le droit du travail, les violences faites aux femmes, etc.

Première femme Procureure de la République au Sénégal, qu’est-ce que cela a signifié pour vous et en ce temps ?

Vous savez j’étais d’abord juge d’instruction à Saint-Louis. J’ai été aussi la première femme à être déplacée dans les régions, parce que personnellement, je ne voulais pas de faveurs.

C’était en 1971, et vous voyez cela fait un bail.

J’ai tenu à aller à Saint-Louis, puisque c’était mon poste d’affectation. Nous étions six dans notre promotion et j’étais la seule femme. Puisque les hommes avaient accepté leur affectation et y partaient sans problème, je ne voyais pas pourquoi je serais restée à Dakar. Je suis donc allée à Saint-Louis où j’ai fait ma carrière.

Cela n’a pas été difficile. Mais je pense que j’étais plus une curiosité qu’autre chose. Et après, cela s’est bien passé puisque j’ai fait mon travail et j’ai montré que les femmes étaient aussi capables d’exercer ce métier.

Le procureur me demandait, parfois, d’assurer l’intérim quand il partait en voyage. Lorsqu’il a été affecté dans une autre juridiction, il fallait donc trouver un remplacement. Il y avait un problème parce que les effectifs n’étaient pas nombreux. Il m’a proposée pour lui succéder au Parquet de Saint-Louis. C’est comme ça que j’ai été nommée Procureur de la République. C’était en 1976.

Cela a été un challenge pour moi car c’était la première fois qu’une femme exerçait cette fonction et pour moi, il fallait que je réussisse parce que c’était une porte ouverte pour les autres femmes.

Est-ce que cela a vraiment été une porte ouverte pour les femmes par la suite ?

De nos jours, il y a beaucoup de femmes qui sont substituts du Procureur de la République, à ma connaissance, jusqu’à mon départ pour le Tribunal Pénal International pour le Rwanda en 2002, il n’y a pas eu d’autres femmes nommées Procureure.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Quand même de 1976 à 2019, cela va bientôt faire 43 ans, et aucune autre femme n’a été encore une fois nommée Procureure de la République. Quel est le ressenti que vous avez de l’évolution du combat pour la promotion et la protection des droits des femmes et des jeunes filles au Sénégal ?

Vous savez les femmes sont compétentes. Je pense que les femmes que j’ai vues et qui sont substituts du Procureur, elles sont en mesure d’assurer la tenue d’un parquet.

Je prendrai également d’autres exemples, au niveau du gouvernement, vous voyez bien qu’il y a beaucoup de femmes compétentes qui pourraient assurer des postes de ministres et dans des ministères de souverainetés. Mais malheureusement, elles ne sont pas nommées et je pense que c’est un problème de mentalité qui subsiste encore aujourd’hui. Lorsque vous avez à compétences égales, une femme et un homme, on préfère prendre l’homme que la femme.

C’est un problème et je dis toujours que c’est un problème de volonté politique.

 

Durant ces 25 dernières années, quels sont à votre avis les progrès et les améliorations qui ont été faits en matière de promotion et de protection des droits des femmes et des jeunes filles ?

Je dis toujours, pour être objective, qu’il y a quand même pas mal de choses qui ont été faites. Les femmes ont, même si c’est à un degré moindre ou pas très important, des postes de responsabilité. Il faut dire aussi que la promotion des droits des femmes, il y a eu un certain nombre de stratégies qui ont été mises en place pour permettre à la femme de participer beaucoup plus au développement de son pays.

Mais personnellement, je ne suis pas du tout satisfaite. Parce que je me dis que dans la mesure où le Sénégal, notre pays a été partie prenante à toutes les conventions internationales et régionales qui ont été prises pour la promotion des droits humains des femmes, je crois que le résultat laisse encore à désirer.

Vous voyez que depuis, vous dîtes 25 ans, mais cela remonte à plus de 45 ans, il y a beaucoup de problèmes qui ont été soulevés tels que l’accès des femmes aux ressources, l’égalité de chance, la lutte contre les violences, mais qu’encore à ce jour, nous reparlons des mêmes problèmes.

L’accès des femmes aux instances décisionnelles, ce sont les mêmes problèmes que nous soulevons encore. Même s’il y a encore des améliorations, je pense qu’on aurait dû dépasser cela. Le Sénégal, comme je l’ai dit, a signé la plupart des conventions régionales et internationales, sans réserve.

Des représentants du Ministère de la justice nous ont signalé, d’ailleurs il n’y a pas très longtemps, qu’il y avait une réserve au niveau de l’article 14 du Protocole de Maputo sur l’avortement médicalisé. Nous sommes en train de vérifier cette récente information. Toutefois, si le Sénégal avait effectivement fait une réserve dans ce sens, elle peut être levée. Le Rwanda, à la même époque, avait fait cette réserve mais maintenant il a une loi autorisant l’avortement médicalisé. Cela peut servir pour un plaidoyer. Nous allons dans le cadre de l’AJS, nous y atteler si cette réserve existe pour qu’elle puisse être levée.

Certaines déclarations du Président de la République, il y a quelques temps, nos font penser qu’il n’était pas défavorable à l’avortement médicalisé qui doit se faire dans certaines circonstances, à savoir lorsqu’il y a eu viol, inceste ou lorsque la grossesse met en danger la vie de la mère ou du fœtus.

Cet avortement sous certaines conditions doit être autorisé.

Au mois de mai 2019, il y a eu trois cas de viol sur des jeunes filles et femmes dont deux suivis de mort, ce qui a défrayé la chronique et le Président de la République a fait une sortie pour demander la préparation d’un projet de loi pour la criminalisation du viol et de la pédophilie. Qu’est-ce que vous en pensez, vous qui avez été juge d’instruction et qui avez l’expérience de traiter des crimes ?

Vous savez quand cela s’est passé, j’ai été interviewée peut-être le lendemain de ce crime contre Binta Camara, parce que mort s’en est suivi. Comme vous le dîtes, à la même période en trois jours, il y a eu jeune homme qui a tué son amie qui ne voulait plus rester avec lui. Puis on a trouvé le corps d’une femme nue à Ouakam, qui avait été violée.

Alors, cela a été un ras-le-bol général. Suite à cette interview, j’avais demandé à ce que le viol soit criminalisé. Parce que ce n’était pas normal qu’après tant d’années, qu’on en soit encore à une recrudescence intolérable de ces violentes faites aux femmes.

Il faut vraiment dire les choses telles qu’elles sont. J’ai le sentiment que la grande majorité des femmes est toujours sous tutelle ou sous la responsabilité des hommes. Et c’est ce statut d’infériorité qui subsiste. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Les faits sont là !

Il faudrait vraiment que cela cesse. J’ai donc fait cette intervention. Il y a eu aussi le collectif des femmes qui ont lutté contre cela avec ce slogan « Dafa Doye ».

Elles avaient fait un sit-in, je ne suis pas pour les sit-in, je le dis très sincèrement, je ne cache pas mes convictions, ni pour les marches.

Parce que je pense que ça peut marcher mais les résultats ne sont pas continus. Il y a souvent beaucoup de bruits et après plus grand-chose !

Mais cette fois, j’y suis allée parce que par rapport à la déclaration que j’avais faite, par rapport à cet engagement où je disais que cette fois-ci il fallait aller jusqu’au bout de cette préoccupation parce que le viol c’est un véritable fléau social, à l’heure actuelle, il fallait que je participe à ce sit-in.

Effectivement, il y a un projet de loi, que le Président de la République, cela, il faut le saluer, a demandé, il a instruit qu’on élabore un projet de loi pour criminaliser le viol et la pédophilie. Je pense que c’est une excellente chose et je crois que dans le cadre de notre association, l’AJS va y travailler aussi. Actuellement, il y a beaucoup d’autres structures, organisations qui essaient un peu d’aider dans ce sens-là. Je pense qu’il faut aller jusqu’au bout de cette affaire-là parce qu’on ne peut pas revenir en arrière.

Je vois déjà, à travers la presse, qu’il y a beaucoup de détracteurs qui disent qu’il faut réfléchir et que la criminalisation n’est peut-être pas une bonne chose parce que les procédures vont être longues, parce que la condamnation ne va pas arriver tout de suite, parce qu’il va y avoir un engorgement des cabinets d’instruction, etc.

Mais cela c’est un prétexte, les cabinets d’instruction n’ont rien à voir avec les faits qui ont été commis. Ici, il appartient à l’administration de s’organiser pour que justement il y ait moins de dossiers dans les cabinets d’instruction. Il faut qu’on puisse recruter beaucoup plus de magistrats, pour que justement les dossiers ne puissent pas être aussi importants dans un cabinets d’instruction. Et je pense que pour la longueur de la procédure on parle d’un crime.

J’ai l’impression que les gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe chez la victime. Vous savez, on a beaucoup plus tendance à penser à l’auteur qu’à la victime.

Vous savez, et je dis souvent aux gens que cela n’arrive pas qu’aux autres. Si un père de famille, une mère de famille étaient là en se disant « Et si c’était moi ? », « Et si c’était ma fille, comment je réagirai ? ». Une fille de 5 ans, 6 ans même plus âgée qu’on viole mais sans aucune raison, simplement quelque fois parce qu’on dit « Elle a provoqué, parce qu’elle était habillée de façon indécente… Elle a provoqué parce qu’elle est allée à l’hôtel retrouver la personne qui l’a violée… »

Tout ça, je pense que quand on prend la définition d’un viol, n’a aucun sens. Parce qu’un viol, c’est un viol. La fille où qu’elle soit, dès l’instant où elle dit non, il faut arrêter.

Quand elle dit « je ne veux pas que ça aille plus loin », vous devez arrêter sinon vous commettez un viol. La définition juridique du viol est très claire.

Comment pensez-vous que la société sénégalaise, hommes comme femmes, devrait mieux porter ce combat ?

Il faudrait en faire un débat, même national, parce qu’il faut que les gens soient sensibilisés.

Vous savez beaucoup de gens ne réagissent pas.

Comme j’ai l’habitude de le dire, les auteurs ne sont pas des malades, ce sont des pervers. Vous avez des gens sains d’esprit et de corps qui parce que simplement la fille était habillée de telle ou telle manière, ne penseraient jamais à la violer.

Donc je crois que là aussi, il faut vraiment savoir raison garder.

En outre, les peines que nous avons en ce moment dans le code pénal ne sont pas dissuasives. Et ça c’est important de le rappeler.

Vous avez l’article 320 qui définit le viol, et ça c’est une avancée par rapport à la loi de 1965 qui ne donnait pas de définition du viol. C’est avec la loi de 1999 que ce viol a été défini et que mêmes les circonstances aggravantes ont été augmentées.

Il faut noter que certaines décisions de justice qui sont prononcées sont en violation avec la loi pénale. Je suis magistrate, j’ai l’esprit de corps, mais lorsqu’il faut signaler certaines anomalies qui peuvent porter le discrédit sur cette profession, je le fais.

L’article 320 prévoit une peine de 5 à 10 ans. Le maximum de la peine sera appliqué quand il y a des circonstances aggravantes telles que l’enfant au-dessous de 13 ans accomplis, en cas d’état de grossesse, quand la femme a un handicap. La peine prévue sera donc de 10 ans.

Ensuite vous avez cet article 322 qui vous dit qu’il ne peut être sursis à exécution dans le cas des articles 320 qui réprime le viol et l’article 321 relatif aux attentats à la pudeur.

Cela veut dire que chaque fois qu’on donne une condamnation, même si on ne prend pas le maximum de la peine - et j’expliquerai pourquoi- il ne peut pas y avoir de sursis

C’est une peine ferme qui doit être prononcée. Mais ce qui se passe c’est que les magistrats, ce sont des produits de la société et vous savez quelques fois, il est difficile pour eux de faire l’équilibre entre ce que la loi leur dicte et ce que les traditions, les mentalités imposent. Ils font application de l’article 433 concernant les circonstances atténuantes.

Cela fait que même dans ce cas-là, il y a violation parce que lorsque la loi impose une peine de 10 ans, la peine prononcée est de 2 ans avec sursis. Quelques fois on a même vu des peines à 6 mois avec sursis. Tout cela peut être vérifié. Il y a une étude qui avait été faite par l’AJS, pendant des années, sur les peines qui ont été prononcées sur les viols. Et vraiment, pour certaines décisions c’est une aberration.

Je crois qu’il faut quand même revoir cela et c’est la raison pour laquelle au vu de cette loi qui n’est pas dissuasive, au vu aussi des conséquences psycho traumatiques qui sont extrêmement importantes sur les victimes ; parce que c’est une destruction de la vie humaine, une femme violée voit sa vie détruite, à plus forte raison quand il s’agit d’un enfant, il faut rendre les peines plus dissuasives

Les conséquences désastreuses du viol sur les victimes ne sont plus à démontrer. Il y a des cas de suicides, des cas de prostitution, des cas de stigmatisation, etc., c’est vraiment dramatique. Je vous assure, il y a des personnes quand elles parlent de ça, elles ne peuvent pas s’empêcher de pleurer. Vous savez, elles sont émues parce que ces personnes-là se mettent à la place de la victime, des parents et c’est vraiment terrible.

Il y a une tendance à oublier tous ces problèmes psychodramatiques de la victime. Pour la personne qui a été violée c’est une prise en charge extrêmement importante qui doit être faite.

Une prise en charge pluridisciplinaire qui demande la participation des magistrats, des policiers, des psychologues, des assistants sociaux, des éducateurs, etc. Il y a toute une cohorte de spécialistes qui doit être derrière pour lui permettre de survivre. Vous savez quelques fois même, on les appelle les survivantes du viol dans certains cas bien précis parce que justement il faut arriver à les sortir de là.

Il y avait une psychologue qui disait que le viol, c’est comme de la glu. Une fois que vous êtes tachée, quand vous essayez vous-même de vous en sortir c’est de plus en plus grave. Il faut que les gens viennent pour vous aider à vous en sortir.

Alors je pense que c’est vraiment un problème sur lequel il faut légiférer de façon définitive et c’est pour ça qu’on demande la criminalisation.

Parce qu’avec la criminalisation, au moins le coupable sera pour un bon bout de temps en prison. Alors, on vous dit que c’est long mais la victime qui est quelques fois décédée, c’est fini pour elle. Pour l’auteur c’est long mais pour elle, c’est aussi toute sa vie qui est détruite.

Je crois qu’il y a beaucoup de choses à faire. Il faudrait qu’on puisse en discuter de façon sereine, sans pour autant qu’il y ait une sorte de guerre. Oui, on va en guerre contre le viol mais je pense qu’on peut le faire ensemble.

Pour que les gens comprennent, la communication doit être très importante pour permettre à chacun de savoir que ce n’est pas simplement parce que nous sommes des va-t-en-guerre. Il y a même des hommes qui sont violés. Je pense que les réactions sont les mêmes. Il y a même des femmes qui commettent des viols.

Vous savez la dernière fois, il y a eu le cas d’une coépouse qui a violé une petite fille avec son doigt, simplement parce que la petite travaillait mieux que sa petite fille. Mais c’est incroyable.

Et là aussi, nous nous sommes levés pour dire STOP.

Il faut que quels que soient la personne, l’auteur ou la victime que ces faits soient proscrits. Il faut vraiment que les gens sachent que c’est vraiment parce que le viol est une chose qui anéantit, et qui détruit une vie humaine que nous intervenons.

Quel est votre mot de perspectives à l’attention de cette nouvelle génération qui a la responsabilité de porter le combat de promotion et de protection des droits des femmes et des jeunes filles ?

Moi, je crois qu’il faut changer de stratégie d’actions. Vous savez, nous avons travaillé depuis 1974, je peux dire que je milite avec d’autres, les Mame Madior Boye et autres, il y a beaucoup malheureusement qui ont disparu, qui ne sont plus là. Il y avait à l’heure actuelle, Madeleine de Veste, Tamaro Touré, Maïmouna Kane qui a malheureusement disparu il n’y a pas très longtemps.

Je crois que nous avons fait beaucoup d’actions, nous avons réussi à faire changer beaucoup de choses et nous avons transmis le flambeau qui nous avait été remis. Moi, je suis toujours là, je milite encore et les autres aussi d’ailleurs. Et je crois que ce qu’il nous faut, et je crois que nous avons aussi péché quelque part, c’est qu’il faut que la société civile se reconstruise d’une part. Ensuite, il faut que les mentalités changent.

Il faut faire comprendre aux gens que ce n’est pas une affaire de femmes seulement. Le problème des violences faites aux femmes, le développement de la femme, de capacité de la femme à participer au développement de son pays, c’est un problème de développement.

Parce que vous ne pouvez pas dans un pays où on parle de démocratie, dont le soubassement est le peuple qui est composé des hommes et des femmes, continuer de voir que les femmes sont la majorité dans la société et vouloir les mettre à l’écart de ce développement.

Non seulement à l’écart de ce développement mais aussi de la démocratie, parce que ne pas respecter les droits humains des femmes, c’est ne pas respecter la démocratie. C’est de ne pas respecter la paix. Parce que tout cela est interdépendant, et tant que vous n’aurez pas le respect des droits humains, vous ne pourrez pas avoir de paix dans un pays, vous ne pouvez pas avoir de développement non plus et la démocratie, elle sera, comme je l’ai dit une fois, bancale.  

Il faut vraiment que les gens prennent conscience de cela. Alors, pour changer de stratégie, il faut que les hommes soient conscients et convaincus de cela d’une part. Et d’autre part, il faut que les femmes s’organisent aussi.

Il faut aussi que les femmes changent de mentalité. Vous savez comme on dit, l’union fait la force, et je crois qu’elles doivent être solidaires au niveau de la société civile, ne pas être dispersées dans leurs actions et travailler en synergie.

Parce qu’il y a beaucoup d’associations qui s’occupent de la même chose, violences faites aux femmes, autonomisation de la femme, etc., mais il faudrait quand même qu’il y ait une synergie d’actions.

Et le troisième point est que je crois que le rôle de la société civile, je parle de tout l’ensemble des organisations des droits humains, organisations de femmes, etc. qui doivent travailler ensemble. Et puis voir comment on pourrait se regrouper pour des thèmes bien précis et les traiter ensemble. Je pense que ça c’est important.

Alors pour la société civile aussi, elle a trois rôles. Elle a un rôle d’alerte, de veille et puis de pression. Je pense qu’il faut que la société civile puisse arriver à faire en sorte que l’Etat respecte ses engagements et le problème qui se pose, c’est que la redevabilité de l’Etat doit être de plus en plus mise en cause.

Vous ne pouvez pas avoir ratifié des instruments internationaux sans réserve et ne pas vouloir les appliquer. Et plus grave, non seulement vous avez ratifié des conventions sans réserve mais vous les avez mises dans votre ordonnancement juridique, parce que la CEDEF est dans le préambule de la constitution. La charte africaine des droits des peuples, c’est dans le préambule de la constitution et l’article 98 dit que les traités sont supérieurs à la loi nationale.

Donc, je pense que tout ça nous devons y réfléchir et voir comment faire pour amener l’Etat à respecter les engagements qu’il a pris.

                                                                                                                                   

                                                                                                                           Par Gnagna Kone