Melpignano, référence italienne en alimentation bio-éthique, transforme ses cantines scolaires pour promouvoir la durabilité et soutenir les producteurs locaux.
Entretien realisé par Vina Hiridjee, journaliste indépendante, avec Valentina Avantaggiato, Maire de Melpignano.
La commune de Melpignano dont vous êtes la maire est très engagée pour une alimentation bio-éthique dans les cantines scolaires de sa ville. Pourquoi est-elle devenue une référence en Italie ?
Valentina Avantaggiato : Melpignano est un petit village (2.134 habitants) situé au cœur de la province de Lecce, avec des ressources considérables et un patrimoine culturel historique et immatériel très riche. La municipalité fait partie d'un îlot linguistique, la Grecìa Salentina, qui conserve des éléments linguistiques et culturels remontant à l'immigration du clergé byzantin au VIIIe siècle.
Melpignano a mis en œuvre des projets d'agroécologie intéressants.
En Italie, c'est l'un des meilleurs exemples de cantines scolaires "à circuit court", qui poursuit des objectifs d'éducation alimentaire et stimule l'investissement et l'emploi dans le secteur de l'agriculture durable, grâce à la demande publique de matières premières de haute qualité produites par de petites entreprises agroécologiques locales. La cantine est considérée comme un guide d'expérience, une référence par des institutions telles que la Fondazione con il Sud et la Fondazione UBI, qui nous ont soutenu. Mais il reste encore beaucoup à faire dans cette direction pour soutenir un développement à grande échelle de la production alimentaire durable, à un niveau macro, un développement à 360°, en prenant les bonnes pratiques de durabilité comme référence.
Comment a débuté l’intérêt de la commune pour la restauration scolaire
L'idée de la "cantine bio-éthique à 0km" est née de la volonté d'organiser et de soutenir des repas scolaires basés sur l'approvisionnement en produits issus de la néo-agriculture, de l'agriculture biologique et, si possible, de l'agriculture locale. L'objectif est, d'une part, de garantir une alimentation saine, de qualité et biologique aux plus jeunes, dans un même lieu, à savoir la cantine scolaire où toutes et tous, sans distinction d’origine, peuvent en bénéficier ; d'autre part, notre objectif est de soutenir les productions alimentaires du territoire et des territoires aux alentours, en les associant aux repas scolaires, afin de soutenir les revenus des petit·e·s producteur·ice·s agricoles qui se distinguent par la qualité et la durabilité de leurs productions.
Nous incitons à l'utilisation de produits biologiques et équitables dans les cantines scolaires, parce qu'ils permettent de mettre en place un instrument innovant de politique économique territoriale ;
la demande publique soutient les revenus des petit·e·s producteur·ice·s agricoles qui s'engagent dans une production de haute qualité qui renouvelle la vocation agroalimentaire traditionnelle de la zone, en utilisant des méthodes durables. La santé, l'alimentation et le territoire ne sont donc pas les seuls à être concernés, mais aussi l'économie, du producteur au consommateur.
Qu’est-ce que vous entendez par néo-agriculture ?
Quand je parle de néo-agriculture, j’entends des formes d'agriculture durable et éthique pratiquées par de jeunes agriculteur·ice·s, qui sont également conscient·e·s du rôle qu'ils jouent et de la responsabilité qu'ils assument en "prenant soin" de la terre, via des méthodes de culture et le choix de semences. Cette néo-agriculture revêt une dimension multifonctionnelle, puisqu’elle permet d'engager différentes activités, en accueillant du public à découvrir le paysage agricole, ou encore en éduquant les plus jeunes.
Quels sont les challenges à mettre en place ce type de politique?
Il deviendra certainement indispensable de planifier la production à petite échelle en fonction des besoins des cantines scolaires afin de répondre à une demande certaine et définie. Il est également important de privilégier des systèmes de traçabilité et de qualité alternatifs au seul bio pour garantir l'éthique, la qualité et la territorialité des produits. Nous veillons à ce que notre cantine soit approvisionnée essentiellement en produits biologiques, produits localement et, surtout, de manière éthique, dont la chaîne de production respecte le travail et la dignité des travailleur·euse·s.
Vous introduisez cette notion de bioéthique, pourquoi est-elle si fondamentale pour vous ?
Cette notion est fondamentale pour nous parce qu'on ne peut pas soutenir une industrie de production alimentaire qui exploite la main-d'œuvre et étrangle les prix aux différents niveaux de la chaîne de production et au niveau de la livraison.
Les aliments ont un coût de production et la main-d'œuvre doit être respectée dans chaque maillon de la chaîne.
Dans notre cas, nous veillons à choisir des réalités qui respectent la dignité du travail. Pour les reconnaître, les certifications ou la connaissance directe des producteur·ice·s peuvent être utiles. Dans notre cas, étant donné qu'il s'agit d’une petite commune, nous procédons de la deuxième manière.
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