Ce que le COVID-19 nous rappelle sur la mobilité douce ?

Contribution

Le fait urbain est une donnée prépondérante dans la société sénégalaise, caractérisée par sa vitalité démographique mais aussi par la mobilité interne et externe de sa population. Le pays, en pleine transition urbaine, connait une forte croissance de sa population urbaine qui est de 46% dans les zones urbaines. Dakar, ville la plus urbanisée du Sénégal, avec près de 5 millions d’habitants, accueille près de 80% des activités économiques et industrielles nationales. Son offre de transport est basée essentiellement sur les véhicules motorisés comme les bus Dakar Dem Dikk, les bus Tata, les cars rapides, « Ndiaga Ndiaye »[i], les taxis et les voitures de particuliers

 

[i] Un ‘Ndiaga Ndiaye’ est un petit bus public utilisé au Sénégal, qui tient son nom un mécanicien pionnier au Sénégal, qui a développé la conception la plus courante et possédait plus de 150 autobus.

Cyclistes à Rufisque

La mobilité qui est l’élément central de l'urbanisation, constitue également un enjeu majeur pour les villes du Sénégal.

En effet, les transports en commun supportent l’essentiel des déplacements pendulaires c’est-à-dire les déplacements journaliers de population des grands centres urbains vers des zones dortoirs. Cependant, l’offre de transport public est largement inférieure à la demande toujours en hausse avec la croissance de la population urbaine d’après le Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD)[1]. Cette situation de surcharge fait que les transports publics sont bondés aux heures de pointes et les règles d’hygiène laissent souvent à désirer.

La problématique de la mobilité urbaine est aussi exacerbée par l’occupation anarchique par des acteurs et actrices économiques des pistes piétonnes et des trottoirs alors que l’enquête ménage déplacement de 2015 montre bien que 70% des déplacements se font à pieds.

Dans le difficile contexte de propagation du coronavirus 2019 au niveau communautaire avec des restrictions notées dans le secteur du transport, la mobilité douce notamment l’usage du vélo est plus que jamais d’actualité et constitue une solution durable dans l’offre de transport à Dakar.

COVID-19, nouvelle donne

La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) provient d'un nouveau coronavirus découvert en Chine en fin 2019 et s’est désormais répandue sur toute la planète.  Plus de 204 pays et territoires sont touchés par cette crise sanitaire mondiale qui a été déclarée pandémie par l’organisation Mondiale de la santé (OMS) le 11 mars dernier . A ce jour, 31 mars, environ 697 244 cas cumulés sont confirmés dans le monde et 33257 morts enregistrés [1]. Le Sénégal n’est pas épargné avec son premier cas déclaré, le 2 mars dernier.

Selon les experts, ce virus est hautement contagieux et les transports en commun peuvent être des niches du virus. La promiscuité caractérisée dans les transports publics et les longues durées de trajet peuvent constituer des facteurs de propagation du virus comme le démontre l’article paru sur le site www.scienceetavenir.fr qui stipule que « le premier facteur de propagation reste la promiscuité et que le risque d'infection au jour le jour se fait par les mains qui, après avoir touché une surface infectée, sont portées aux "portes d'entrée" du corps humain (nez, bouche, yeux). »[2]

Prenant la pleine mesure de cet état de fait, le ministre des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement, M. Oumar YOUM, dans sa déclaration du 24 mars 2020, a pris des mesures dans le cadre du plan sectoriel des transports terrestres de lutte contre la propagation du coronavirus afin de limiter la chaine de transmission du virus dans les transports publics. Ces mesures consistent à moduler l’offre de transport avec la limitation du nombre de passagers dans les transports en commun et les voitures personnelles, et à réduire les déplacements interurbains. En complément de ces mesures, s’ajoute la diffusion de bandes d’information qui visent à encourager la mobilité douce en recommandant l’usage du vélo et la marche à pied, dans les médias.

La mobilité douce à Dakar

Sur le court et le moyen termes, la mobilité à vélo peut être un excellent moyen de prévention du COVID-19 et une solution complémentaire à l’offre de transport en commun insuffisante, à la hausse des prix du transport et à la réduction de la pollution de l’air. En effet, Dakar, la Capitale fait face à des embouteillages fréquents et à des niveaux de pollution au-delà des limites définies par la norme NS−05−62[1]. Elle possède un taux annuel d’exposition aux particules fines qui dépasse 3.4 fois le taux recommandé par l’OMS.

Par ailleurs sur le long terme, le vélo peut constituer un moyen de transport durable et adapté à la situation économique du pays. En effet, ce moyen de transport a de nombreux autres avantages sur les plans économique, sanitaire et écologique.

Par ailleurs, dans la lutte contre le changement climatique, la gestion des mobilités est devenue un enjeu majeur pour la plupart des villes et nous appelle, en tant que Fondation Verte, à nous pencher sur des alternatives plus durables. C’est dans ce contexte que la fondation, dans son programme écologie axé sur le développement urbain durable avait initié en 2019 une étude avec l’association « sama vélo[2] » dans le but de mieux cerner la pratique du vélo et de porter la plaidoirie auprès de la population et des autorités grâce à des données factuelles sur les avantages d’une telle pratique.

Cette étude effectuée dans le département de Dakar a permis de définir le profil du cycliste type qui est :

-         un homme de moins de 35 ans

-         dans la catégorie socio professionnelle étudiant ou employé

-         avec un revenu mensuel de moins de 300 000 FCFA.

Les femmes ne font quasiment pas de vélo car une bonne majorité le considère comme réservé aux hommes et le regard de la société reste un point bloquant.

Il n’y a que 36% des femmes qui savent faire du vélo contre 90% pour les hommes. Les personnes âgées de plus de 35 ans pratiquent peu le vélo car elles le perçoivent comme dangereux du fait du manque d’infrastructures cyclables et l’image du vélo renvoie à un jouet.

Le vélo, pour le renouveau écologique

L’insécurité routière, l’absence de pistes cyclables, le regard de la société envers les cyclistes constituent des freins à la pratique du vélo.

L’accès au vélo devra aussi suivre, car même s’il y avait les infrastructures, le plus grand nombre n’y aurait pas accès par faute de moyen.

Le vélo reste un bien pas accessible pour le sénégalais moyen. Un soutien de l’Etat pourrait permettre de booster ce moyen de transport et faciliter l’accès au plus grand nombre non seulement en cette période particulière, mais également au-delà. La promotion de l’usage du vélo est primordiale et devrait être intégrée dans les politiques de développement urbain durable dans la capitale sénégalaise. L’implantation de pistes cyclables sécurisées et leur intégration dans les nouvelles initiatives (NDLR : comme le Bus Rapide Transit) en portion sont à multiplier. La subvention de vélos pour en faciliter l’accès aux populations en situation de vulnérabilité économique est également à envisager afin d’inciter un plus grand nombre à se mettre à la mobilité douce et ceci par la sensibilisation, notamment.

Sama Vélo, avec le soutien de la hbs, a mené une étude dont les résultats ont été condensés en un guide, qui vous permet d’en savoir plus sur la pratique du vélo à Dakar et donne les informations nécessaires aux nouveaux/nouvelles cyclistes sur le matériel, les bons coins vélos, les vendeurs-réparateurs de vélos, etc.

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[1] Norme sénégalaise http ://extwprlegs1.fao.org/docs/pdf/sen54266.pdf, 2017

[2] Lien de la page web de l’association sama vélo : http://samavelo.com/


[1] « WORLD Tracking coronavirus: Map, data and timeline (mis à jour en temps réel) » [archive], sur www.bnonews.com


[1] Enquête ménage sur la mobilité des dakarois, CETUD, 2015