Proposition de la Commission pour un nouveau pacte sur la migration et l'asile: du mouvement malgré tout

Éclairage

Dans le cadre de l'examen du nouveau Pacte européen sur la migration et l'asile proposé par la Commission européenne, la Fondation Heinrich Böll publie une série d'études consacrées à ce sujet : ce deuxième article examine l’avancée des débats sur le Pacte au niveau européen, en considérant notamment la dimension externe des politiques de migration et d’asile et la relation avec les Etats tiers, ainsi que les voies d’entrée légales des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants dans l’Union européenne.

Dans ce deuxième volet de notre série d’articles consacrés aux débats en cours autour du nouveau pacte, présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, nous analyserons la dimension externe des politiques de migration et d’asile ainsi que les voies d’entrée légales des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants dans l’Union européenne. Nous tenterons également de présenter une vision à jour des positions exprimées à l’égard de la proposition de règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration (RGAM) et de la question des opérations aux frontières et des procédures de filtrage.

L'impression qui ressort actuellement est celle d’une absence de progrès réel dans la négociation des différents éléments du pacte pendant la Présidence portugaise du Conseil de l’UE. Il règne donc une apparence de calme général, dû également à la tenue des élections allemandes le 26 septembre prochain et à l’incertitude quant aux orientations du futur gouvernement fédéral qui sortira des urnes.

Pourtant, la procédure législative suit son cours sur un plan purement technique, tandis que les sujets qui ne font l’objet d’aucun consensus entre les États membres sont de plus en plus patents au sein du Conseil. Enfin, en ce qui concerne la coopération avec les États tiers, à laquelle le pacte attache une importance particulière, on observe plusieurs initiatives qui devraient se traduire par des accords formels à l’avenir.

La dimension externe

Les conclusions du Conseil européen au sujet des migrations, à l’issue de son sommet du 24 juin, portent exclusivement sur la coopération avec les États tiers, qu’ils soient d’origine ou de transit. En étroite collaboration avec le HCR et l’OIM, tous les instruments et incitations disponibles au niveau de l'UE et des États membres devraient servir à s'attaquer aux causes profondes des flux migratoires, à soutenir les réfugiés et les personnes déplacées dans la région, à renforcer les capacités en matière de gestion des migrations, à éradiquer le trafic et la traite de migrants, à renforcer le contrôle aux frontières, à coopérer en matière de recherche et de sauvetage, à tenir compte de la migration légale et à assurer le retour et la réadmission.

Ce sommet avait été précédé par plusieurs réunions du groupe de haut niveau « Asile et Migration », qui avait ciblé les régions prioritaires : l’Afrique du Nord, la région du Sahel, l'Afrique subsaharienne, les Balkans occidentaux et la route de la Soie. Au sein de ces régions, des partenariats devraient être noués en priorité avec la Tunisie, le Maroc, le Pakistan, le Nigeria et l’Afghanistan. Il conviendrait d’avoir pleinement recours à l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, notamment afin d’empêcher les migrations irrégulières ; au moins 10 % des fonds devraient être utilisés dans ce but.

La déclaration UE-Turquie de mars 2016 devrait être entièrement mise en œuvre et renouvelée. Un financement supplémentaire devrait être accordé à la Turquie. En automne, la Commission et la haute représentante de l’Union proposeront des plans d’action en vue de conclure des accords de partenariat avec les pays prioritaires. La conférence ministérielle sur la gestion des flux migratoires, qui a réuni un certain nombre de pays africains les 10 et 11 mai derniers, a fourni l’occasion de tenter d’impliquer l’une des régions prioritaires dans la stratégie de l’UE.

Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a mis en garde contre l’externalisation des responsabilités, « qui n’est ni légale ni pratique. Elle place tout le fardeau sur les pays moins bien équipés et constitue une approche coloniale »[1].

Toutefois, il ressort du rapport du Conseil du 24 mai sur les progrès accomplis à l’égard du nouveau pacte qu’une grande majorité d’États membres soutient l’ensemble des mesures relatives à la dimension externe. Ainsi, le Parlement danois a adopté une loi autorisant le traitement des demandes d’asile dans des pays tiers. De même, les efforts diplomatiques menés auprès de la Libye afin d’endiguer les flux migratoires de et vers ce pays se sont intensifiés au cours des deux derniers mois. 44 millions d’euros du Fonds d'affectation spéciale pour l'Afrique sont destinés au soutien de la première phase de gestion intégrée des frontières et des migrations en Libye. L’Italie continue à financer des navires et à fournir des équipements à la « Garde côtière libyenne », qui n’en porte d’ailleurs que le nom. C’est donc sur le plan du volet externe du pacte que des  « progrès » sont effectivement accomplis, quelles que soient les nombreuses divergences à l’égard des propositions législatives.

Les voies de protection légales au sein de l’UE : une alternative satisfaisante aux mouvements irréguliers ?

La création ou le renforcement des voies légales d’accès à l’Union pour les réfugiés, les demandeurs d’asile, les travailleurs provenant de pays hors UE et les étudiants font partie de la proposition de la Commission européenne pour un nouveau pacte. Or, la mise en œuvre des différents programmes se heurte à un problème fondamental : les traités de Lisbonne n’octroient aucune compétence législative à l’Union européenne pour déterminer le nombre de ressortissants de pays tiers autorisés à entrer sur son territoire, ni les conditions à remplir à cette fin, cette responsabilité incombant exclusivement aux États membres. Par ailleurs, les possibilités de migration légale ont été considérablement limitées sous l’effet de politiques restrictives en matière de visa et de l'ensemble du « système Schengen », surtout pour les citoyens de pays en développement ; rappelons à cet égard que tous les citoyens africains, sans aucune exception, sont soumis à l'obligation de visa. Au cours des 15 dernières années, toutefois, la Commission a encouragé à plusieurs reprises la mise en place de voies d’entrée légales, notamment par le biais de programmes de réinstallation, cette dernière étant définie comme « l’admission, depuis un pays tiers dans un État membre où ils se voient accorder une protection, de ressortissants de pays hors UE ayant besoin d’une protection internationale ».[2] Ces programmes permettent aux migrants de rejoindre l’Europe de façon légale et sûre,  sans devoir recourir à des réseaux de passeurs, ni mettre leur vie en péril. La Commission, qui avait présenté en 2016 une proposition de cadre pour la réinstallation et l’admission humanitaire des réfugiés, invite à présent le Parlement européen et le Conseil à adopter cet instrument.

Le nouveau pacte recommande à nouveau de promouvoir la réinstallation, l’admission humanitaire et d’autres voies complémentaires afin de « soutenir les efforts constants des États membres en vue de proposer aux personnes ayant besoin d’une protection internationale des voies d'entrée légales et sûres, et de les améliorer » ; il recommande également de faire preuve de solidarité envers les pays tiers dans lesquels se trouvent un grand nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale, le tout contribuant à « améliorer la gestion globale de la migration ». Sur la base de cette proposition, l’Union reconnaît qu’elle doit passer d’un programme de réinstallation ad hoc à des programmes fonctionnant selon un cadre stable, pérenne et prévisible.[3]

Le plan d’action de l’UE s’appuie sur la stratégie triennale (2019-2021) du HCR sur la réinstallation et les voies complémentaires d’admissions ainsi que sur le premier forum mondial sur les réfugiés, qui a eu lieu en décembre 2019. Dans ce contexte, la Commission européenne a également tenu compte des effets négatifs engendrés par la pandémie de Covid-19. En fait, selon les données du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), le taux de réinstallation des migrants a augmenté considérablement depuis le lancement du programme de réinstallation en 2015, passant de 8 000 personnes réinstallées en 2015 à 30 700 en 2019.[4] En 2020, cependant, ce taux a diminué de 58 % en raison de la pandémie et de la suspension des opérations qui a suivi entre mars et juillet 2020. Dans sa recommandation, la Commission invite donc les États membres à faire preuve de souplesse dans leur réponse aux besoins en matière de réinstallation d’urgence à travers le monde et à poursuivre leurs initiatives de réinstallation en 2021, particulièrement dans des pays tels que la Turquie, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Libye, le Niger, le Tchad, l’Égypte, l’Éthiopie, le Soudan et le Rwanda.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission a proposé de mettre en œuvre de nouveaux programmes de réinstallation à partir de 2022, grâce aux ressources financières du Fonds « asile, migration et intégration » pour la période 2021-2027. Les États membres peuvent compter également sur le centre de soutien à la réinstallation d’Istanbul et sur le réseau pour la réinstallation et l'admission humanitaire, mis à disposition par l’EASO.

Dans son plan d'action en faveur de l'intégration et de l'inclusion pour la période 2021-2027[5], présenté le 24 novembre 2020, l’UE insiste particulièrement sur la question de la réinstallation en tant qu’outil indispensable en vue d’assurer l’intégration efficace et cohésive des migrants. Le HCR a salué cette orientation et accueilli favorablement les dispositions du nouveau pacte sur la réinstallation, en affirmant qu’« il y aurait moins de voyages dangereux entrepris si les pays de l’UE faisaient preuve d’un engagement plus massif en faveur de la solidarité via la réinstallation, les voies complémentaires et le regroupement familial ».[6]

Autres formes de parrainage communautaire : les voies complémentaires

Dans sa recommandation, la Commission évoque également différentes voies complémentaires à mettre en œuvre parallèlement à la réinstallation. Certains États membres ont déjà mis en pratique des initiatives telles que des programmes d’admission humanitaire et des corridors humanitaires, des programmes de parrainage privé et de regroupement familial ainsi que des bourses d'études pour réfugiés. Il s’agit d’outils essentiels conçus pour compléter les programmes de réinstallation de l’UE. Ils permettent en effet d’accueillir des personnes ayant besoin d’une protection internationale par le biais de mécanismes autres que la réinstallation, qui peuvent s’appuyer sur leur motivation et leurs capacités, faciliter la réunion de familles et encourager la mobilité professionnelle et l’accès d’étudiants à des universités européennes.[7]

Il convient d’accorder une attention particulière aux corridors humanitaires, dont l’origine remonte à un protocole d’accord entre le gouvernement italien et la communauté de Sant’Egidio, la Fédération des Églises évangéliques, la Table vaudoise et Caritas Italie. Ils ont d’abord été mis en place en Italie en 2016, puis en France, en Belgique et en Andorre.[8] Ces corridors ont permis d’acheminer en Europe plus de 2 700 personnes ayant besoin d'une aide internationale à la migration depuis 2016.

Ce ne sont pas les États qui financent les corridors humanitaires, mais uniquement les organisations de la société civile, qui se chargent également de leur mise en œuvre. En 2019, le vice-président du Parlement européen a émis la volonté de reproduire ce modèle de « bonne pratique » à l’échelle européenne. Cette proposition faisait suite à une déclaration signée par 15 représentants d’Églises protestantes issus de 15 pays de l’UE, suivie d’un document de réflexion présenté par le coordinateur du programme pour les réfugiés et les migrants de la Fédération des Églises évangéliques en Italie (FCEI), qui a défini les principes et les objectifs des « corridors humanitaires européens ».[9] Cette idée est reprise dans la recommandation de la Commission de 2020, qui souligne la nécessité de mettre en place des corridors humanitaires au sein de l’UE, en tant que mesure permettant de dissuader les mouvements migratoires irréguliers. L’Italie est d’ailleurs encore pionnière à cet égard, puisqu’elle vient de signer un nouveau protocole permettant à 500 demandeurs d’asile d’entrer légalement sur son territoire. 300 d’entre eux seront accueillis par l’État italien, tandis que la communauté de Sant’Egidio et les Églises évangéliques prendront en charge les 200 personnes restantes.[10]

L’immigration légale pour des motifs professionnels

         Outre le déploiement de mécanismes de protection internationale afin de décourager les velléités de migration irrégulière vers son territoire, l’UE veille également à exploiter au mieux les possibilités de migration légale en attirant des travailleurs qualifiés depuis des pays situés hors de l’Union.

C’est ainsi que dès 2009, l’UE a adopté la directive « carte bleue » afin de permettre à des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés de travailler dans un État membre (autre que le Danemark et l’Irlande), en établissant les conditions d’entrée et de résidence des travailleurs éligibles. La révision du régime de carte bleue européenne vise à « rendre le système plus simple et efficace afin d’inciter les ressortissants de pays tiers aux compétences élevées à travailler au sein de l'UE, en aidant donc les entreprises européennes à attirer les talents et les compétences du monde entier ».[11] Les améliorations envisagées sont notamment des critères d’admission moins stricts (seuils salariaux moins élevés, réduction de la durée exigée du contrat, entre autres), des conditions plus favorables au regroupement familial, l’amélioration de la mobilité et la suppression des régimes nationaux parallèles.

Une fois encore, le nouveau pacte insiste sur la nécessité de terminer le travail commencé et de réviser la directive. Le 17 mai 2021, le Parlement et la présidence portugaise du Conseil de l’UE ont conclu un accord intérimaire sur la révision de la « carte bleue ». Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a déclaré à cette occasion : « L'accord conclu ce jour dote l'UE d'un régime de migration légale moderne et ciblé qui nous permettra de faire face aux pénuries de compétences et facilitera l'insertion, sur notre marché du travail, de professionnels aux compétences élevées ». Selon lui, cet accord montre également que, « par la coopération, l'UE peut se doter d'un régime migratoire à l'épreuve du temps ».[12]  Le Conseil et la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) ont approuvé l’accord les 21 mai et 3 juin, respectivement.

Ces nouvelles mesures permettront aux intéressés d’introduire également une demande de carte bleue depuis le territoire de l’Union. Pour cela, ils devront présenter un contrat de travail ou une offre d’emploi d’une durée minimale de six mois. Le nouveau régime introduira une plus grande souplesse en abaissant le seuil salarial et en permettant de changer de poste ou d'employeur, même pendant les douze premiers mois. Les membres de la famille du titulaire d'une carte bleue européenne pourront entrer sur le territoire de l’UE et avoir accès à son marché du travail. Les titulaires d'une carte bleue européenne et les membres de leur famille pourront se rendre dans un autre État membre en vertu de règles de mobilité simplifiées, après avoir effectué une période d'activité de 12 mois dans le premier État membre.[13]

En revanche, le pacte ne dit rien au sujet des voies légales pouvant bénéficier aux travailleurs faiblement qualifiés. Alors que les programmes de relance économique post-Covid-19 commencent à être mis en œuvre, le manque de main d’œuvre est déjà perceptible dans un certain nombre de secteurs du marché du travail. Les possibilités d’entrée légale des travailleurs migrants sont extrêmement limitées, ce qui entraîne inévitablement une augmentation des arrivées irrégulières et dangereuses ainsi qu’une recrudescence des demandes de protection, par simple manque d'alternative.

Gestion de l’asile et de la migration

D’une manière générale, le gouvernement allemand se félicite du pacte proposé et salue notamment la proposition de RGAM, car ce dernier reflète les objectifs présentés dans son document officieux du 4 février 2021. Stefan Mayer, secrétaire d’État au ministère allemand de l’Intérieur,[14] a énuméré ces objectifs : 1. Déporter rapidement celles et ceux qui n’ont aucune possibilité de bénéficier d’une protection. 2. Empêcher les mouvements irréguliers. 3. Aides d'accueil réservées uniquement aux demandeurs d’asile dans le pays considéré comme compétent pour examiner la demande de protection. Les candidats devraient connaître les conséquences des mouvements secondaires irréguliers dans l’UE. Exceptionnellement, la relocalisation des demandeurs d'asile pourrait s’avérer obligatoire lorsque la pression est particulièrement forte. En signe de solidarité, l’Allemagne est favorable à la prise en charge des retours et au filtrage obligatoire aux frontières.

Cette position n’est évidemment pas partagée par la Grèce et d’autres pays méditerranéens situés en première ligne. Le ministre grec de la Migration et de l’Asile, Notis Mitarachi[15], estime qu’il ne faut pas faire appel à la solidarité uniquement dans des situations de crise, mais plutôt dans tous les cas de figure. « Les migrants viennent en Europe, pas dans un pays en particulier ». La relocalisation reste une priorité pour la Grèce. L’efficacité de la prise en charge des retours pose question et, dans tous les cas, le fardeau continuerait de peser uniquement sur le pays de première arrivée. La Grèce est également favorable à la reconnaissance mutuelle des décisions positives relatives aux demandes d'asile, qui autorisent les bénéficiaires d'une protection internationale à se rendre dans un autre État membre en toute légalité.

L’un des objectifs affichés du RGAM consiste à corriger, par des mesures répressives, voire punitives, les mouvements secondaires irréguliers des demandeurs d’asile et des réfugiés du pays de première arrivée vers un autre État membre. La secrétaire générale du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), Catherine Woolard[16], propose plutôt de se pencher sur les raisons motivant ces mouvements, comme la volonté de rejoindre les membres d’une même famille ou communauté, ou de se rendre dans un pays où l’on a déjà des liens et où les possibilités d’intégration semblent plus solides. L’inclusion des frères et sœurs dans la définition des membres de la famille, de façon à déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile (comme l’a proposé la Commission), constituerait donc un pas dans la bonne direction. Mais cette nouvelle perspective ne semble pas être du goût de tous les États membres, comme il ressort du rapport du Conseil sur l'état d'avancement des travaux. En définitive, les timides avancées que contient la proposition de RGAM risquent de se heurter à une levée de bouclier au sein du Conseil.

Le rapporteur de la commission LIBE du Parlement européen sur la proposition de RGAM, l’eurodéputé suédois Tomas Tobé, devrait fournir son rapport le 30 septembre prochain.

Le 2 mai, l’ECRE a présenté un commentaire détaillé sur le RGAM[17].

Procédures d’asile et filtrage aux frontières

La procédure à la frontière et la fiction des « zones internationales » sont des pratiques auxquelles certains États membres ont recours depuis longtemps. Dans les aéroports français, la décision d’admission à la procédure d'asile normale et d’accès au territoire est prise dans un délai de 48 heures. En cas de recours, la décision est prise dans un délai de 20 jours, durant lesquels le demandeur d’asile est placé en détention. La France est favorable à une procédure obligatoire et étendue à la frontière, comme le propose le RGAM, ce qui présenterait aussi l’avantage d’éliminer sur le champ les délinquants et les trafiquants[18]. France also supports the proposal to combine the asylum and the return procedures at the external borders.

Minos Mouzourakis, représentant de l’ONG « Refugee Support Aegean », a indiqué qu’un peu plus de 1 % de l’ensemble des demandeurs d’asile en France, et seulement 0,5 % en Allemagne, sont soumis à une procédure à la frontière, contre plus de 50 % en Grèce. Il a également mis en garde contre la détention administrative massive des demandeurs d’asile en cas d’introduction obligatoire de la procédure à la frontière[19]. Malte a insisté sur le fait que les frontières maritimes extérieures n’ont absolument rien à voir avec les frontières terrestres ou aériennes. Les difficultés individuelles de chaque État membre doivent donc être prises en considération et la procédure à la frontière ne devrait pas être obligatoire. À Malte, tous les demandeurs d’asile sont dépourvus de papiers d’identité à leur arrivée et il faut plusieurs mois pour délivrer un document de voyage de retour. La proposition de procédure de retour simultané s’avérerait donc impossible[20].

Birgit Sippel, rapporteur du Parlement européen sur la proposition de règlement établissant un filtrage aux frontières, a rappelé qu’aucun recours juridique n’est prévu dans le cadre du filtrage et que les demandeurs d’asile sont arrêtés pour le simple fait d’avoir introduit une demande de protection. Elle a exigé que soit mise en place une procédure indépendante de contrôle du respect des droits de l'homme.   

Conclusions          

« Arrêtez de parler d’invasion : il n’y a pas d’invasion. Regardez combien il y a de réfugiés et de personnes déplacées dans des pays comme la Colombie ou l’Ouganda, ou dans de nombreux autres pays en voie de développement ; n’oubliez pas que l’UE joue un rôle prépondérant à l’échelle planétaire et que nos bons ou mauvais exemples ont une répercussion directe sur le reste du monde », a déclaré Filippo Grandi[21]. En 2020, en effet, le nombre de demandeurs d’asile dans l’UE a chuté de 32 %, pas uniquement à cause de la pandémie de Covid-19. Cette tendance s’est poursuivie au premier semestre 2021, avec une baisse d’environ 40 % par rapport à la même période de 2019.

Les débats autour du pacte mettent à nouveau en lumière les énormes différences qui existent entre les États membres, sur le plan de leur emplacement géographique, de leur situation économique, de leur réalité migratoire générale et de leur attrait auprès des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés. Ces facteurs semblent tout autant influencer les positions des États membres que l’orientation politique de leur gouvernement. Dans les pays méditerranéens, les demandeurs d'asile et les migrants sans papiers affluent principalement aux frontières maritimes. Dans les pays d’Europe centrale et de l’ouest, ils arrivent plutôt aux frontières terrestres. Dans le cas de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique et des pays nordiques, par exemple, la plupart des demandeurs d’asile arrivent aux frontières intérieures par des « mouvements secondaires » et sont donc susceptibles, en principe, d’être renvoyés vers le premiers pays d’arrivée en vertu du système de Dublin.

Si tous les États membres partagent le même intérêt de limiter autant que possible le nombre de migrants – ou d’atteindre un résultat proche de zéro, comme au Danemark -, les stratégies pour atteindre cet objectif entrent inévitablement en contradiction. L’Allemagne, la France et d’autres pays souhaitent réduire considérablement les mouvements secondaires et maintenir le principe de responsabilité du premier pays d’arrivée, en envisageant certaines concessions en termes de réinstallation d’urgence. L’objectif est différent dans le cas des pays en première ligne, qui sont généralement peu touchés par les mouvements secondaires mais subissent au contraire des arrivées soudaines et imprévues par voie maritime. Ces pays font appel au principe de solidarité, insistent sur la réinstallation étendue et obligatoire et s’opposent aux procédures aux frontières. Le seul véritable dénominateur commun entre ces groupes de pays réside dans l’action extérieure visant à endiguer les flux migratoires avant l’afflux des migrants en Europe.

Le souhait de la Commission européenne d’adopter des règles contraignantes communes pour l’ensemble des États membres – à l’exception de la réinstallation et d’autres voies légales – ne semble pas réaliste, du moins aujourd'hui, en raison d’intérêts divergents.

 

[1] Filippo Grandi lors de l’audition de la commission LIBE du Parlement européen sur le nouveau pacte, 27 mai 2021.

[3] Recommandation de la Commission sur les voies légales d’accès à une protection dans l’UE : promouvoir la réinstallation, l’admission humanitaire et d’autres voies complémentaires, C(2020) 6467 du 23 septembre 2020.

[4] EASO Asylum Report 2020, Resettlement and humanitarian admission programmes, https://www.easo.europa.eu/asylum-report-2020/714-resettlement-and-huma….

[5] COM (2020) 758 final.

[6] Le HCR appelle l’UE à ouvrir un nouveau chapitre pour la protection des réfugiés, https://www.unhcr.org/fr/news/press/2021/1/5ffd5d28a/hcr-appelle-lue-ouvrir-nouveau-chapitre-protection-refugies.html.

[7] Commission implementing Decision of 26 June 2020 on the financing of Union Actions in the framework of the Asylum, Migration and Integration Fund and the adoption of the work programme for 2020, https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/default/files/financing/funding…; https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/opportunities/portal/screen/o….

[8] The Community of Sant’Egidio, Humanitarian corridors in Europe, https://www.santegidio.org/pageID/34176/langID/en/Humanitarian-corridor….

[9] ECRE, Humanitarian Corridors: An Italian Model for the European Union?, https://www.ecre.org/humanitarian-corridors-an-italian-model-for-the-eu….

[10] L'esodo degli ultimi. Corridoi umanitari, parte un nuovo protocollo con la Libia, https://www.avvenire.it/attualita/pagine/corridoi-umanitari-parte-un-nu….

[12] EU Blue Card: Commission welcomes political agreement on new rules for highly skilled migrant workers, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_21_2522.

[13] Ibidem.

[14] Stefan Mayer, lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen le 27 mai 2021.

[15] Notis Mitarachi, lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen le 27 mai 2021.

[16] Catherine Woolard,  lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen le 27 mai 2021.

[18] Sylvie HOUSPIC, directrice de l’immigration au ministère français de l’Intérieur, lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen le 27 mai 2021.

[19] Minos MOUZOURAKIS , lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen.

[20] Stephanie BASON, directrice du développement des politiques au ministère maltais de l’Intérieur.

[21] Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors de son intervention à l’audience de la commission LIBE du Parlement européen.