Retour sur le forum sur la transition énergétique au Sénégal. Une journée de présentations et de débat dont notre équipe vous propose le résumé.
« Dans mon beau village de Mérina Syll situé dans la région de Diourbel au Sénégal, il y a presque du tout (une école, un centre de santé à proximité, de l’eau courante), sauf de l’électricité. Et pourtant, il y a cinq (05) ans, un lot de poteaux électriques avait été déchargé, suscitant un grand espoir chez les habitants qui depuis, sont en attente d’une extension du réseau électrique au village. Chaque matin, ils parcourent environ quatre (04) km pour rallier le village voisin de Darou Salam, où certaines maisons disposent de systèmes solaires, pour recharger leurs batteries de téléphones ou moudre le mil. En y retournant chaque année, je me rends compte du privilège que j’ai d’avoir un accès quasi-régulier à l’électricité dans mon quartier des Maristes, à Dakar. »
C’est sur ce témoignage de Fatma Sylla Touré, coordonnatrice du programme Ecologie de la fondation Heinrich Böll au Sénégal que s’ouvrait à Dakar, le 17 août 2023, le forum sur la Transition énergétique au Sénégal. Organisé par Natural Justice, en collaboration avec le bureau de Dakar de la fondation allemande Heinrich Böll, cet évènement a enregistré la participation d’une pluralité d’acteurs.
Dès l’ouverture de la séance des questions cruciales, relatives à ce que peut être la transition énergétique selon les acteurs et à l’importance de garantir les droits des communautés, la justice, l’équité et la transparence tout le long du processus ont été soulevées par Sokhna Dié Ka Dia, Directrice du hub Afrique de l’Ouest de Natural Justice, Fabian Heppe, Directeur de la Fondation Heinrich Böll, et Youssouf Ndiaye, représentant du Conseil Patronal des Energies Renouvelables (COPER).
Sénégal « fossile ou renouvelable » ?
Sokhna Dia a rappelé l’engagement du Sénégal à aller résolument vers le développement des énergies renouvelables en adoptant une stratégie visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance nationale vis-à-vis du pétrole et du charbon. Le pays a d’ailleurs commencé à investir dans le secteur des énergies renouvelables avec la mise en place de projets majeurs, matérialisant cette orientation stratégique.
« La République d’Allemagne a été l’un des pionniers à accompagner le Sénégal dans ce processus de transition vers les énergies renouvelables au travers, par exemple, du Programme pour la promotion des énergies renouvelables, de l’électrification rurale et l’approvisionnement durable en combustibles domestiques (PERACOD) initié au cours des années 2000 » a souligné Sokhna Dié Ka Dia.
C’est donc à juste titre que Heinrich Böll Dakar souhaite accompagner la transition vers les énergies renouvelables qui doit être réalisée de façon inclusive, juste et au bénéfice des communautés.
« Le forum constitue un apport qualitatif à la démocratisation du débat sur la transition énergétique en enrichissant les agendas aussi bien de l’Etat que ceux des organisations de la société civile et du secteur privé qui s’évertuent à la rendre possible et juste. »
Fabian Heppe a tenu à exprimer sa profonde gratitude envers son partenaire Natural Justice et tous les autres acteurs pour leur mobilisation. Il a également affirmé que le forum marque le début d’une série de événements autour de la justice énergétique.
Pour la fondation Heinrich Böll au Sénégal, la transition énergétique est au cœur d’une préoccupation mondiale marquée par une crise climatique mais aussi par une instabilité de l’approvisionnement en énergie. Le Sénégal étant tributaire des effets de cette crise climatique, qui se font sentir au niveau des communautés locales, à travers la disparition des côtes et des sécheresses récurrentes. De plus, la disponibilité de l’énergie devient de plus en plus complexe, avec des ressources naturelles limitées et surexploitées.
A l’opposé, les pays du Nord cherchent davantage à rendre leurs systèmes énergétiques propres et durables pour accélérer la dé-carbonisation de leurs économies. Les organisations de la société civile des pays du Sud comme le Sénégal, doivent désormais se pencher sur des questions fondamentales telles que : Comment produire suffisamment d’énergie et comment comprendre la transition énergétique dans le contexte sénégalais où tout le monde n’a pas accès à l’énergie ? Autant d’interrogations abordées lors du forum et qui ont été explorées dans une publication récente du CRADESC (Centre de Recherche et d’Action sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels) et de Legs-Africa, en collaboration avec Heinrich Böll Dakar.
Le JETP, opportunité concrète ou promesse intangible ?
Un panel sur le Partenariat pour une Transition Energétique Juste (JETP, en anglais), pour le Sénégal a servi aux participants de discuter des contours de cette déclaration politique qui marque une étape cruciale pour le Sénégal. Même si de nombreuses questions restent en suspens, il a été utile pour les organisateurs et différents intervenants de revenir sur ce JETP sénégalais et aborder des questions importantes, relatives notamment à l’implication des populations pour une transition juste et transparente.
Par ailleurs, une étude intitulée « Sénégal renouvelable » réalisée par New Climate Institute et German Watch explore le potentiel du Sénégal en matière d’énergies renouvelables. Les auteurs, dans une présentation détaillée, ont partagé les points saillants, tout en affirmant que c’est au Sénégal de déterminer sa trajectoire.
Et maintenant ?
La situation qui se pose au Sénégal est que l’accès à l’électricité est un défi notamment en milieu rural. Cette situation est accentuée par la vulnérabilité du pays au marché international car la production d’électricité est basée majoritairement sur l’importation de fioul lourd à fort prix. En même temps, une multitude de facteurs, notamment la croissance économique et la forte croissance démographique, accroît concomitamment la demande en énergie (le double est attendu en 2030 et le triple en 2040). Pour relever ce défi, le Sénégal a fourni des efforts considérables précisément en matière de développement des énergies renouvelables. Des pas importants ont été franchis avec l’objectif fixé en 2015 d’augmenter la part d’énergie renouvelable jusqu’à 30% en 2030, déjà atteint en 2022. Il est donc important de prendre en compte les succès et voir comment aller plus loin dans le cadre du JETP.
Ce partenariat constitue une opportunité pour le Sénégal de tirer avantage de son grand potentiel en ressources sur les plans solaire, éolien (très complémentaires surtout au niveau des côtes) et hydro-électrique (en synergie avec les pays limitrophes). Avec ce financement, il peut progresser dans le développement du secteur des énergies renouvelables afin de réduire sa vulnérabilité à la volatilité des prix des hydrocarbures du marché international, d’économiser sur les coûts de production et d’accès à ces énergies et de créer plus d’emplois.
Suite aux exposés et débats sur les défis, enjeux, freins, leviers et opportunités liées à la transition énergétique, dans un contexte de mise en œuvre du JETP, un certain nombre de perspectives stratégiques ont été dégagées. Selon les intervenants, pour optimiser de manière opérationnelle les avantages des énergies renouvelables, il est crucial de mettre en place un système énergétique plus flexible et adaptable en investissant dans des capacités de stockage et en développant des réseaux intelligents capables de gérer les fluctuations des flux électriques.
Les discussions ont également mis en lumière la nécessité d'adopter une perspective globale de la transition énergétique, car elle a un impact étendu sur divers secteurs et domaines économiques. Plusieurs participant ont souligné, qu’il est impératif de lier cette transition à la problématique de l'emploi et de créer des opportunités pour les jeunes. Pour y parvenir, ils ont recommandé d'intégrer des formations spécifiques aux énergies renouvelables dans les programmes d'enseignement technique et pratique au niveau universitaire, en prenant en compte le transfert de compétences et l'intégration au sein des entreprises.
Un consensus général a émergé parmi les participants en ce qui concerne l'engagement accru des acteurs privés, publics et de la société civile dans les débats relatifs à la politique énergétique. Parmi les suggestions, il a été suggéré de collaborer à la co-création des stratégies nationales avec l'ensemble des parties prenantes. Dans ce contexte, l'initiative JETA (qui vise à développer une approche africaine pour la transition énergétique) pourrait servir de premier pas vers la création d'un consensus solide et d'une collaboration renforcée.
En définitive, la transition énergétique est un processus complexe qui nécessite d’avoir une approche holistique. Sa planification et sa mise en œuvre doivent donc être suffisamment transparente, et juste, tout en garantissant l’équité entre les territoires ruraux et urbains et des impacts positifs sur l’économie locale pour le bien-être général des communautés.
Un JETP, qui tire des leçons des expériences précédentes des premiers pays réceptacles en Afrique, dont la concrétisation inclue les divers(es) act.eurs.rices de manière transparente et qui répond aux aspirations des communautés, telle est la vision des parties prenantes au symposium.
« C’est la Communication qui fait la promotion de la transparence. » a conclu, Awa Traoré.
C’est en ces termes que s’est achevé le forum sur la transition énergétique au Sénégal.