Traité sur la pollution plastique : Dakar, lieu d’échanges et de décisions

Il y a quelques semaines se déroulait à Dakar une rencontre chargée de sens, concernant la pollution plastique. Elle a donné naissance à un traité.

Photographie d'un énorme tas de déchets plastiques, observé par un homme

Dakar, lieu de la matérialisation des bases en vue des réunions pour le comité intergouvernemental de négociations pour un monde sans pollution plastique.

L’ampleur de cette crise du plastique fait qu’il y a depuis quelques années une prise de conscience de la communauté internationale et un engagement dans la lutte contre la pollution plastique. Cette dynamique est portée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et soutenue par le mouvement mondial contre les plastiques (Break Free From Plastique BFFP, GAIA, Greenpeace, CIEL…)

Cette volonté d’adresser la pollution plastique s’est matérialisée le 02 mars 2022 lors de la Cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies, tenue à Nairobi, au Kenya, où l’une des décisions forte et historique fut l’adoption de la  résolution UNEA 5.2 ‘’Mettre fin à la pollution plastique : Vers un instrument international juridiquement contraignant ‘’[1].

Cet instrument, tout en reconnaissant l’ampleur de la pollution plastique et ses effets néfastes sur la biodiversité, vise à adresser cette crise à l’échelle globale et en s’attaquant à l’ensemble du cycle de vie du plastique. Toutefois, pour aboutir à cet ambitieux traité mondial sur le plastique, plusieurs rencontres et forum doivent se tenir d’ici 2024, y incluant le processus de négociations entre Etats, devant aboutir à un traité juridiquement contraignant.

Rencontre à Dakar

Dans le cadre de ce processus, Dakar, la Capitale Sénégalaise, a été l’hôte, du 29 mai au 1 juin 2022, de la première réunion du groupe de travail à composition non limitée, qui a été mise en place suite à l’adoption de la résolution UNEA 5.2.

L’objectif de cette réunion était de préparer les travaux du comité intergouvernemental de négociation et de discuter tout particulièrement du calendrier et de l’organisation des travaux du comité d’ici 2024.  Dakar a accueilli près de 400 délégations composées d’Etats, d’acteur.trices de la société civile, d’entreprises, de groupes d’intérêts, d’instituts de recherche, etc.

Des sessions de dialogues multipartites autour de la nécessité d’une gestion écologique des déchets plastiques, des innovations technologiques en matière écoconception et des business modèles innovants à développer pour réduire les déchets plastiques. ont ouvertes la réunion  Ces dialogues ont été une occasion pour certains parties prenantes et réseaux internationaux comme IPEN (Réseau international pour l'élimination des polluants) d’alerter sur la nécessité de prendre en compte les impacts des produits plastiques sur la santé, compte tenu des produits chimiques qu’ils contiennent[2].

La cérémonie officielle d’ouverture s’est tenue le 30 juin 2022 et a été présidée par la Directrice exécutive du PNUE, Mme Inger Andersen et le Ministre Sénégalais de l'Environnement et du Développement Durable, M. Abdou Karim Sall.
Dans son discours M. Sall est revenu sur l’urgence de poser des actions fortes pour préserver la planète des effets néfastes des déchets plastiques. Pour cela, il plaide pour une règlementation au niveau global afin de lutter efficacement contre la pollution plastique. Selon lui, le combat contre cette pollution ne peut être gagné individuellement par les Etats, mais que grâce à une coopération soutenue au niveau internationale. Dans les déclarations d’ouvertures qui suivaient les Etats ont tous souligné l’urgence d’arriver à un traité juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution plastique.

Les régions Afrique et Amérique Latine ont appelé à une transition juste, qui passerait par la prise en compte dans les négociations des spécificités par région en reconnaissant les besoins, les capacités et les difficultés de chacun. La question des droits humains et de l’inclusion de toutes les parties prenantes dans le processus de négociations, ont été posées comme une conditionnalité d’une bonne mise en œuvre de ce futur traité sur le plastique.

La question du financement, du transfert de technologies, de la transparence dans l’industrie pétrochimique, de l’économie circulaire, de la coopération et de la règlementation, sont autant de sujets que les délégations ont abordé lors de cette réunion.

Ainsi durant trois jours, les différentes plénières, les sessions informelles et dialogues multi acteurs, ont été l’occasion pour les Etats, les autres parties prenantes de discuter et de statuer sur l’agenda, les règlements, les documents de travail en vue des prochaines rencontres du comité intergouvernemental de négociations.

Quelles issues ?

A l’issu de ces travaux, les décisions phares prises à l’issu de la réunion du groupe de travail à composition non limitée sont :

  • La première réunion du comité intergouvernemental de négociations (INC-1), se tiendra la semaine du 28 novembre 2022 à Minamata en Uruguay (à confirmer par le PNUE)
  • Les règles de participation du public seront les mêmes que celles de la prochaine réunion comité intergouvernemental de négociations à Minamata en Uruguay.
  • Les "organisations non gouvernementales pertinentes" selon le PNUE peuvent apporter des contributions, mais n'auront aucun rôle dans les négociations.
  • Possibilités de tenir des sessions hybride pour une participation des autres parties prenantes et la manière dont les États et les organisations membres votent.

Plus de détails disponibles sur les résultats phares de la part du PNUE ici .

Globalement, le défi de l’organisation a été relevé par le Sénégal et les efforts consentis pour accueillir cette réunion ont été salués par l’ensemble des participants.es, soit près de 900 personnes en présentiel et en ligne.

Défi relevé, malgré quels imprévus

Le ministère de l’environnement et du développement durable a été bien représenté lors de cette rencontre, à la différence de la société civile sénégalaise, très engagée sur la question de la pollution plastique et de l’environnement de manière générale mais cependant aux abonnés absents. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir pas émis le souhait d’assister à cet évènement. D’après nos entretiens avec certains d’entre eux, beaucoup n’avaient pas obtenu l’information assez tôt pour s’inscrire. Et quant aux acteur.trices sénégalaises porteur.es d’initiatives dans la réduction, le recyclage ou le réemploi des déchets plastiques ceux qui avaient l’information, ils avaient des difficultés d’obtenir les lettres d’accréditation demandées pour la participation de.  Pourtant, le Sénégal, en tant que pays hôte, aurait pu aménager quelques stands pour permettre à ces derniers d’interagir, de partager et de nouer des partenariats avec d’autres acteur.trices venus du monde entier, partageant la vision commune d’un monde sans pollution plastique.

Heureusement pour la société civile Sénégalaise, l’activiste et le porte étendard de la lutte contre la pollution plastique au Sénégal « Modou Mbouss », de son vrai nom Modou Fall, l’homme plastique, est parvenu de par sa perspicacité, à participer pleinement à cette réunion du comité ad doc. Muni de son accoutrement hors du commun durant trois jours, il était l’une des attractions de cet évènement.

Pour une approche inclusive, le Ministère de l’Environnement, dans la suite du processus de mise en place de ce traité international sur le plastique et de sa mise en œuvre au niveau national, gagnerait à davantage élargir la concertation avec ces acteur.trices  locaux et à assurer si possible leurs participations à ce processus. D’ailleurs, l’un des appels forts de la part des Etats et des autres parties prenantes de cette rencontre de Dakar est le renforcement de la participation de l’ensemble des acteur.trices (collecteurs de déchets , société civiles, entreprises, les organisations de  jeunes et de femmes) à ce processus .

Mis à part cela, le défi de l’organisation en terme de production de déchets plastique a été relevé haut la main, car pendant les quatre jours consacrés à cette réunion, aucune bouteille en plastique ou produits en plastique jetables n’ont été utilisés !

Au contraire, la sobriété et le non gaspillage ont été les maîtres-mots, avec la mise à disposition de fontaines de distribution d’eau, la distribution de gourdes à chaque participant.e et l’utilisation des bouteilles et des tasses en verre lors des repas.

Cela montre à suffisance qu’avec un peu d’engagement et de volonté, il est possible d’organiser des évènements Zéro plastique. De ce fait, le Gouvernement et les institutions publiques sont appelés à être des modèles dans le cadre de la généralisation de cette démarche, en donnant l’exemple dans toutes les activités organisées par l’Etat sur l’ensemble du territoire national.

Ce futur traité sur le plastique et les conclusions phares de cette réunion du comité ah doc à composition non limitée à Dakar, constituent une opportunité et représentent un espoir pour tous les acteur.trices qui se battent pour que le Sénégal arrive un jour à l’application effective de la loi n°2020-04 relative à la prévention et à la réduction des produits plastiques à usage unique, entrée en vigueur en avril 2020.