Criminalisation du viol au Sénégal : décorticage avec Mme Fatoumata Guéye, Juriste.

Mme Fatoumata Gueye Ndiaye est juriste et membre de l’Association des Juristes Sénégalaises dont elle est actuellement Présidente d’honneur et membre du conseil d’administration au terme de son mandat de 4 ans (2 ans renouvelable une seule fois) en tant que Présidente de cette association.

Suite à la recrudescence des violences sur les femmes au Sénégal avec trois cas de viol dont deux suivis de meurtre au mois de mai 2019, le Président Macky Sall annonçait le lundi 3 juin 2019 une demande au ministre de la justice de préparer un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie. Que pensez-vous de cette sortie du Président ?

En ma qualité de militante des droits humains, des femmes et des enfants qui s’est investie pendant des années à travers mon association dans la lutte contre les violences, je ne peux qu’apprécier fortement cette mesure prise par le Président de la République de criminaliser le viol et la pédophilie. A chaque fois qu’il y’avait des événements majeurs par rapport à la violation des droits des femmes nos autorités nous avaient habitués à faire des déclarations restées sans suite. Cette fois-ci nous avons senti de la part du Président de la République une réelle volonté politique de traduire en acte concret sa déclaration.

Pourquoi ?

En effet au surlendemain du sit-in du Samedi 25 Mai initié par le collectif contre les violences faites aux femmes et aux filles, à la suite de l’affaire de Binta Camara de Tambacounda, le Président avait déjà déclarer cette volonté. Quelques jours après, en conseil des ministres, il a instruit le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux d’élaborer un projet de loi portant criminalisation du viol et de la pédophilie et de le soumettre au Conseil des Ministres avant la fin du mois d’Octobre.

Ce qui est aussi important et intéressant à notre avis par rapport à cette instruction du Président de la République c’est qu’il l’a assortie de délai (Fin Octobre). Les techniciens ont donc été enfermés dans des délais relativement à l’exécution de cette importante mesure ; ce qui n’est pas courant, donc à saluer.

Il faut en outre noté que lors de ce fameux Conseil des Ministres le Président a également instruit la Ministre de la femme, de la famille, du genre et de la protection de l’enfance, d’élaborer et de finaliser avant fin Septembre un plan d’action national de lutte contre les violences pour la période 2019 – 2024.

Cette décision est aussi appréciable car il est certes nécessaire d’avoir des lois mais il faut également un plan d’action, des instruments et des mécanismes qui puissent accompagner la mise en œuvre des lois. Et c’est pourquoi que nous nous sommes dit que ce conseil des ministres fut le conseil des ministres pour les femmes et les filles ; une chose qui est très appréciable.

En prenant ces mesures fortes, le Président de la République a eu une réaction à la hauteur des événements et de l’attente des citoyens et citoyennes. Il a pris conscience de l’urgence de poser des actes forts pour prévenir, combattre et même pourquoi pas éradiquer les violences.

Je voudrais avant de terminer sur ce point interroger un peu l’histoire. Cette mesure nous rappelle un peu le processus de la réforme de 1999, notre fameuse loi sur les violences du 29 janvier 1999. Il faut reconnaître que cette loi était née d’un déclic qui était partie d’une affaire de violence. Il s’agissait de l’affaire Doki Niasse de Kaolack, une femme qui avait été violentée par son mari et qui en est morte. Il y a eu à l’époque une grande marche des femmes de Kaolack qui a été soutenue par celles de Dakar et des autres régions du Sénégal. Cela avait créé un déclic auprès de nos autorités ce qui nous a valu cette importante loi de 1999.

Aujourd’hui encore, c’est une autre affaire dramatique qui a créé un déclic et qui va nous valoir la réforme cette loi de 1999 avec la criminalisation deux délits, que sont le viol et la pédophilie.  

Et on se demande si on devrait toujours attendre qu’il y ait des drames pour chercher à agir. Ne faudrait-il tout de même pas prévenir ces drames, au lieu d’attendre qu’ils se passent pour réformer nos textes ?

C’est la raison pour laquelle, je dis que nous attendons cette fois de l’Etat, une fois que cette loi est votée, de prendre des mesures d’accompagnement pour qu’elle soit appliquée dans toute sa rigueur.

Pensez-vous que cette « réelle volonté politique qui se traduit en acte concret » sera quelque chose qui sera réellement établi, mis en place et surtout suivi ?

On l’espère. Parce qu’il faut reconnaître que le Sénégal a un arsenal juridique assez important de promotion et de protection des droits des femmes. Cependant c’est l’effectivité de ces droits qui pose un problème.

Le problème se situe dans la mise en œuvre de mécanismes pour que tout cet arsenal juridique puisse être effectivement appliqué afin que les femmes et les filles sénégalaises puissent sentir qu’elles jouissent de leurs droits. On peut effectivement s’inquiéter un peu et se poser des questions. Ce qui est tout à fait légitime.

Avec les délais fixés par le Président de la République je garde et ferai plutôt des recommandations à plusieurs niveaux.

Quelles sont vos recommandations ?

D’abord, que les techniciens qui ont été interpellés et qui ont le dossier en charge, notamment ceux du Ministère de la Justice, essaient de se conformer au délai donné par le Président de la République et qu’au terme de poser sur la table de ce dernier un projet de loi ainsi que les textes réglementaires qui l’accompagnent.

Ensuite, l’autre recommandation c’est qu’une fois que cette étape est franchie et que la loi est votée, que l’Etat puisse mettre en place des mécanismes qui permettent de la rendre effective.

Il faut enfin que l’Etat finalise la réforme judiciaire instituant les chambres criminelles en les rendant plus fonctionnelles.

Qu’est ce qui, à votre sens, permettrait l’application effective de cette loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie une fois qu’elle est votée ?

L’importance de criminaliser le viol et la pédophilie, c’est que désormais ces délits vont devenir des crimes. C’est une mesure de dissuasion des éventuels agresseurs sexuels et autres, c’est aussi un moyen de renforcer les sanctions et les peines.

Mais ce qu’on attend vraiment, c’est de savoir ce qu’on va réellement faire de cette loi une fois qu’elle est votée. Et c’est là maintenant qu’il est important d’apporter de réelles mesures d’accompagnement.

Tant que c’était un délit, le présumé auteur de l’agression était jugé au niveau du tribunal correctionnel où il était confronté au juge du flagrant délit. Dès qu’il était soupçonné et que la procédure aboutisse, il est immédiatement jugé par le juge des flagrants délits ; donc ça allait très vite. Avec la criminalisation les procédures vont donc être plus longues avec l’instruction des dossiers.

L’attente pour la victime et les proches va aussi être plus longue. Et c’est à ce niveau qu’il y a des choses à faire. Parce que la victime ne devrait pas être doublement sanctionnée.

C’est-à-dire subir une agression sexuelle de cette envergure et devoir attendre des années pour qu’on instruise le dossier et  condamner s’il y’a lieu l’auteur présumé de l’agression serait une double souffrance pour les victimes et leurs proches. Et c’est à ce niveau que l’Etat doit vraiment agir.

Vous savez, il y a quelques années, il y a eu la réforme des institutions judiciaires et les cours d’assises ont été supprimées pour instituer les chambres criminelles. L’objectif était de raccourcir les délais de traitement, accélérer les procédures et aussi réduire le temps de détention préventive.

C’est vrai que la réforme est enclenchée, mais à mon avis il faut la finaliser.

C’est vrai que les chambres criminelles existent, mais elles ne fonctionnent pas correctement au niveau de tous les tribunaux. Le risque c’est de voir le dossier d’instruction d’un agresseur sexuel traîné pendant des années, avec une détention préventive très longue ce qui prolonge les moments d’angoisse de la victime.

Il faudrait donc que les chambres criminelles atteignent leurs objectifs afin que les procédures soient accélérées et les temps de détention réduits. Il faut aussi que les acteurs judiciaires, qui sont chargés de dire le droit, puissent le dire correctement, et donc appliquer rigoureusement les peines relatives à la criminalisation du viol.

Les actrices et acteurs de la société civile qui luttent contre les violences faites aux femmes revendiquent beaucoup la criminalisation du viol. En tant que juriste mais surtout en tant que femme rompue dans l’exercice de la justice et des lois dans les tribunaux, pensez-vous réellement que ce soit la grande solution ?

D’un point de vue légal, en matière de crime, il y a l’instruction. Le dossier doit être instruit par un juge d’instruction. Cela suppose que les procédures vont être un peu plus longues que quand il s’agit de délit où le présumé coupable est confronté au juge des flagrants délits.

Souvent c’est dès les audience suivantes qu’il est jugé et condamné s’il y a lieu. Ce qui constitue tout de même un soulagement pour la victime et ses proches. Et les  dédommagements effectués dans les meilleurs délais. Si c’est un crime, fatalement les procédures seront beaucoup plus longues.

Mais tout est question de volonté politique et de réforme judiciaire aussi. Le Sénégal s’est engagé dans la réforme de ses institutions judiciaires, parce que l’Etat et les acteurs ont tous été conscients des lenteurs qu’il y avait pour instruire les dossiers et des longues détentions préventives. C’est pour tout cela que cette réforme judiciaire a été entamée.

Il est vrai qu’il faut comprendre qu’il y a une différence. Qu’on sache qu’il faudra être un peu plus patient par rapport à la justice et que les victimes puissent donner le temps à la justice pour l’instruction du dossier et le jugement.

Il faut reconnaître qu’un problème est résolu par rapport au viol car c’est une très bonne chose de le criminaliser. Comme je l’ai dit tantôt, cela va peut-être dissuader les éventuels agresseurs sexuels et les peines seront beaucoup plus lourdes.

Mais je me dis qu’il y a également d’autres combats en matière de violences. C’est vrai que, de par son caractère agressif et les conséquences physiques et morales qu’il laisse chez la victime, le viol est beaucoup plus médiatisé et beaucoup plus pris en compte.

Mais les femmes au Sénégal vivent également d’autres formes de violences qui causent des conséquences dramatiques chez elles et les petites filles qui les subissent.

C’est vrai qu’avec la criminalisation du viol, un pas sera franchi mais je crois qu’il faut continuer et également mettre l’accent sur les autres violences (violences conjugales, morales, économiques et sociales) qui causent autant de dégâts chez les victimes.

Nous sommes dans une société qui, dans les apparences, semble être moderne mais qui est relativement conservatrice et où la femme est discriminée.
Traditionnellement, la femme et la petite fille peuvent être « corrigées » si elles commettent des « fautes », et ce à tout moment et en tout lieu.

Moi, je dis que notre société en dehors du viol doit également prêter attention aux autres formes de violence que subissent les femmes et les filles. Ces violences violent l’intégrité physique et morale ainsi que la dignité de la femme, et plombe même son épanouissement et sa contribution économique et sociale.

 

Vous avez mentionné que criminaliser le viol pourrait potentiellement servir à dissuader un potentiel agresseur. Selon votre expérience et votre connaissance des réalités sociales au Sénégal, pensez-vous vraiment que cela sera le cas ?

Il faut d’autres mesures d’accompagnement de cette criminalisation. Il ne suffira pas seulement de criminaliser le viol et de s’en arrêter là.

Au-delà des mesures que doit prendre l’Etat, les autres acteurs de la société ont un rôle à jouer dans la prévention et la dénonciation des violences. Il faut aller vers la justice pour pouvoir bénéficier d’un traitement judiciaire des cas de violence. La criminalisation n’a de sens que si le viol est dénoncé.

Donc, aujourd’hui il faut reconnaître qu’on est confronté à un problème de dénonciation des violences quelle qu’en soit la forme. C’est un problème majeur et je crois que même le Président de la République en prenant cette mesure y a fait allusion en appelant « la société à se mobiliser ». Vous savez que tous les spécialistes sont d’accord que les auteurs de violence sont dans l’entourage proche des victimes, d’où la difficulté dans la dénonciation. La tendance au Sénégal, comme dans beaucoup de nos pays africains est d’essayer de régler la question à l’amiable, de ne pas sortir de la sphère privée pour trouver des solutions aux violences.

Et c’est ce qu’il faut justement briser. Il faut briser les tabous qui entourent les violences. Cela est primordial. Tant que ces pratiques persistent quelles que soient les lois qui seront prises, elles ne seront pas appliquées effectivement parce que les cas de violence ne sont pas portés à l’attention de la justice.

Il faut dénoncer et c’est là que j’en viendrai aux autres actrices et acteurs que sont les organisations de la société civile telles que l’Association des Juristes Sénégalaises et tant d’autres. Il faut accentuer les campagnes de prévention, de sensibilisation.

Il faut trouver des stratégies innovantes. Comment aller vers les communautés ? Comment se rapprocher davantage d’elles par rapport à la sensibilisation et la prévention des violences ?

L’AJS a depuis quelques années pris conscience qu’il faut agir sur les communautés pour changer les mentalités.

Pour que les mentalités changent, il faut qu’on touche les communautés. Il faut qu’on aille à la base. Il faut davantage conscientiser les femmes par rapport à leurs droits et à l’application effective de ces derniers.

Il faut d’abord que les femmes prennent conscience qu’elles ont des droits, il faut qu’elles soient ensuite conscientes que ces droits sont violés, qu’elles prennent conscience qu’elles doivent briser le silence et qu’elles doivent agir. Et agir, c’est dénoncé. C’est faire de sorte de ne pas tomber dans cette spirale de violences et d’y rester.

Si nous voulons de plus en plus combattre les violences, il faut accentuer la sensibilisation et la prévention et surtout il faut que toute la communauté s’y mette.

Dans le cas contraire, on risque avec cette criminalisation du viol de se retrouver avec un feu de paille. On aura la loi qui sera là mais sans réels changements.

Vous mentionniez plus tôt un arsenal juridique assez conséquent au Sénégal en matière de protection des femmes et des jeunes filles, et là vous nous dîtes que ces dernières n’ont même conscience de leurs droits. Où se situe le problème ?

Vous savez une loi, elle est faite aussi pour être vulgarisée.

Si la loi est prise et n’est pas vulgarisée, si la femme qui est à Tambacounda ou ailleurs, au fin fond du Sénégal, qui se bat au quotidien pour survivre, ne sait pas qu’il y a une loi par rapport à ce qu’elle est en train de faire ou de vivre, comment voulez-vous qu’on arrive à quelque chose ?

Les lois, elles sont faites pour être vulgarisées. Nos Etats prennent les lois mais ne mettent en place aucun mécanisme pour les vulgariser, et conscientiser les citoyennes et citoyens par rapport à ces lois.

C’est pour cela que malgré la signature et la ratification des toutes les conventions - en tout cas les plus importantes par rapport à la promotion et la protection des droits des femmes, et la déclaration de l’égalité en droit des hommes et des femmes par notre Constitution - cela ne se reflète pas sur le terrain.

La plupart des femmes méconnaissent leurs droits car nos textes sont transcrits en français alors que la majorité de nos populations est analphabète. Il faut que l’Etat, en relation avec les OSC  essaye de traduire les textes en langues locales et alphabétiser les populations. L’autre chose aussi est qu’il faut suivre l’état de mise en œuvre des lois qu’on vote.

Exemple nous avons une loi sur l’excision qui est une violence et ce n’est pas pour autant que celle-ci n’existe plus.  C’est vrai que c’est une pratique traditionnelle et culturelle mais elle est néfaste pour nous.

Dans certaines localités, l’excision continue, il ne faudrait pas qu’on se voile la face. Les organisations continuent encore aujourd’hui de se battre contre l’excision alors qu’il y a une loi contre la pratique depuis 1999. C’est parce que certaines communautés ne connaissent pas cette loi, d’autres peut-être ne sont pas assez sensibilisées pour pouvoir arrêter. Il faut noter que les lois sont violées mais l’Etat ne sanctionne pas.

Il faut remédier à tout cela. Il ne s’agit pas de prendre des lois puis après ne rien faire quand elles sont violées.

L’assemblée nationale a un rôle très important à jouer dans ce sens. Parce qu’en son sein, il y a une commission- délégation qui n’est pas très connue par rapport aux autres commissions mais dont le rôle est de suivre l’état de mise en œuvre des lois qui sont votées. Cette commission fait-elle correctement son travail ? A mon avis non.

Une fois une loi votée, cette commission doit la prendre en charge pour s’impliquer dans la vulgarisation et l’application de celle-ci. A mon avis, chacun encore une fois doit jouer son rôle pour que les lois soient effectives.

Et les conventions qui sont signées, aussi bien la CEDEF[i] que le protocole de Maputo[ii], disent très clairement que les Etats doivent prendre toutes les dispositions pour prendre des lois qui puissent mettre les femmes à l’abri de ces violences. Elles disent également que les Etats doivent prendre toutes les dispositions pour agir sur les pratiques néfastes.

Donc les Etats sont tenus de mener de larges campagnes de sensibilisation, d’information et d’éducation pour pouvoir agir sur les pratiques néfastes et réduire ainsi ces pesanteurs socio-culturelles qui plombent l’évolution des droits des femmes.

Malheureusement à mon avis l’Etat a relativement pêché en matière d’harmonisation des textes internes aux conventions internationales ratifiées et aussi dans la sensibilisation des populations.

De l’hémicycle aux cours de justice et dans le processus de prise d’une loi, du moment où elle est juste un projet à voter jusqu’au moment où elle arrive à l’usager avant de finir dans les cours de justice où elle doit être appliquée, il y a un certain nombre de choses que beaucoup de personnes ne comprennent pas au Sénégal. Qu’est-ce que les citoyennes et citoyens devraient vraiment comprendre une bonne fois pour toute afin de se mobiliser et de participer plus efficacement dans la lutte contre les violences faites aux femmes ?

J’ai parlé tout à l’heure de mécanismes que l’Etat doit mettre en œuvre pour que les lois soient effectives et vulgarisées.

 Il faut noter pour s’en féliciter que l’Etat a élaboré et mis en œuvre des stratégies pour la promotion et la protection des droits des femmes et des filles. Exemple : Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre (SNEEG), Plan d’Action National de Lutte contre les Violences (que beaucoup de pays nous envient).

 Il faut maintenant voir ce qui manque à la mise en œuvre de ces plans d’action et ces stratégies nationales, parce que tout y est pris en compte. Par rapport aux violences, de la prévention à la prise en charge des survivantes, tout est dans le plan d’action de lutte contre les violences.

Il y a une tentative déjà avec la collaboration entre notre association et le ministère de la femme, de la famille, du genre et de la protection de l’enfance par rapport à l’implantation de certaines boutiques de droit dans les régions.

C’est déjà un pas car dans les boutiques de droit, non seulement on y mène la sensibilisation auprès des communautés mais elles contribuent également à la prise en charge judiciaire, juridique, psychosociale et même l’accompagnement économique des survivantes.

En outre les ressources financières restent le nerf de la guerre. Le genre traverse le PSE -tous les axes du PSE prennent le genre en compte-, au niveau institutionnel il existe une cellule genre dans tous les ministères sectoriels en plus de la stratégie nationale pour l’équité et l’égalité.

Qu’est-ce qui manque ? Il faut mettre tout cela en œuvre. Il faut allouer des ressources nécessaires à ces stratégies et plans d’action, il nous faut aller vers des budgets sensibles au genre pour qu’au niveau de chaque ministère sectoriel, que le budget puisse prendre en compte dans le domaine d’action de ce ministère, les préoccupations des femmes, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées et de toutes les composantes de la société.
C’est ce qui nous manque.

Il faut reconnaître que les ressources financières suffisantes qu’il faut allouer à ces plans d’action et à ces stratégies font défaut. Et à ce niveau, c’est l’Etat qui est interpellé, ainsi que les partenaires techniques et financiers.

Je peux vous dire que si ce plan d’action de lutte contre les violences est correctement mis en œuvre, beaucoup de choses seraient résolues.  

Les autres acteurs, c‘est nous les organisations de la société civile. Il faut qu’on essaie d’agir en synergie et que nous cessions d’être dispersées en matière de lutte contre les violences. C’est consciente de cela que la synergie d’action des organisations de la société civile (SYSC) pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles a été créé par plus d’une trentaine d’organisations de la société civile.

Il faut accentuer la sensibilisation, continuer à conscientiser les femmes par rapport à leurs droits, il faut aussi intensifier les efforts de plaidoyer à l’attention des autorités.

Au niveau des communautés, il faut qu’on cesse de se mettre derrière les pratiques culturelles, de prendre les traditions et nos coutumes comme excuses pour continuer de discriminer les femmes et les filles, pour continuer de freiner l’essor de cette catégorie de la société.

Il faudrait concentrer les efforts et les engagements à ces niveaux pour atteindre le développement durable auquel nous aspirons toutes et tous.

Nous voulons un Sénégal qui émerge réellement et un développement durable ; nous demeurons convaincus que nous ne pourrons atteindre ces deux objectifs tant qu’une partie de la population qui constitue une composante importante de la société est laissée pour compte, continue d’être violentée et dont les droits sont ignorés et bafoués.

 

                                                                                                                           Par Gnagna Kone


[i] Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes par les Nations Unies http://www.unesco.org/education/pdf/WOMEN_F.PDF

[ii] Protocole à la charte africaine des droits humains et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/protocol_rights_women_africa_2003f.pdf