Andandoo Waññi Plastik - Ensemble, réduisons la pollution plastique

En Mai 2019, la Fondation Heinrich Böll lançait « Andandoo Waññi Plastik », une initiative de sensibilisation et de plaidoyer qui vise à lutter contre la pollution plastique au Sénégal.

La pollution plastique est l’une des problématiques écologiques les plus frappantes au Sénégal où les sachets plastiques, les bouteilles PET et les emballages de biscuits et bonbons pullulent un peu partout dans le pays, autant dans les rues des grandes agglomérations que sur les routes menant à l’intérieur du pays.

Les contenants plastiques à usage unique ont graduellement remplacé les calebasses, les paniers de « ndougou », les gobelets en inox et verre dans les quotidiens des populations à tous les niveaux. Des démunis aux plus nantis, le phénomène d’usage abusif des sachets et gobelets plastiques est tout aussi frappant.

Ce phénomène atteint son paroxysme durant le mois de ramadan, qui est une période de solidarité et de partage à laquelle dans les quartiers comme dans les grandes arcades des communes, des jeunes et des moins-jeunes distribuent spontanément des boissons chaudes aux passants qui n’ont pas pu déjà être chez eux au moment de la rupture.

Ces grandes quantités de café et de thé généreusement partagées et distribuées pour le grand bonheur des communautés font du bien à la cohésion sociale mais malheureusement rajoutent à la quantité déjà désastreuse de déchets plastiques de tout genre laissés dans la nature à Dakar.

Il existe pourtant une loi interdisant le plastique

Le 21 avril 2015, l’Assemblée Nationale du Sénégal votait la loi 2015-09 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle de déchets plastiques.

Promulguée par le chef de l’Etat dès juillet 2015 et entrée en vigueur le 4 janvier 2016, la loi qui comporte deux séries de dispositions dont la première vise à lutter contre les effets néfastes des sachets plastiques, et la seconde, à promouvoir la gestion rationnelle des déchets plastiques, tarde encore à être réellement appliquée.

Dans ce sens, Mme Fatma Sylla, Coordinatrice du Programme Ecologie à la Fondation Heinrich Böll Sénégal fait la mise en contexte :

« Le vote de la loi sur l’interdiction des sachets en plastique à faible micronnage a été un important jalon posé par l’Etat du Sénégal en 2016. Cette décision fut unanimement saluée à son temps par l’ensemble des acteurs et actrices travaillant sur la thématique. Malgré cette avancée sur le plan législatif, l’application sur le terrain tarde à se concrétiser. A mon avis, cette situation est principalement due au fait que l’Etat en mettant cette loi en place, n’a pas su proposer des alternatives de substitution aux plastiques à usage unique. Ainsi les parties prenantes économiques se sont montrées très réticentes à cette loi qui interdit un élément phare dans le secteur du commerce, sans réellement proposer autre chose pour autant. Cet échec de la loi est également exacerbé par un manque de communication autour de l’important de cette loi et la sensibilisation des populations sur les pollutions a vraiment fait défaut. Celles-ci se sont véritablement habituées à ce mode de consommation très portée sur l’utilisation des plastiques. L’espoir d’une application plus rigoureuse de la loi peut être permis avec la volonté affichée du Président Macky Sall, qui à la suite de sa réélection a prôné un Sénégal avec zero déchet avec des villes propres et vertes, lors de son discours d’investiture. »

D’après les chiffres publiés par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable du Sénégal à l’occasion de la journée internationale de l’Environnement en 2018, rien que pour la région de Dakar, les estimations étaient à 1.500 tonnes de déchets solides urbains dont les 78% sont constitués de déchets plastiques. Ainsi, sur les 99.700 tonnes de déchets par an, le ministère notait 15% d’augmentation relative de déchets plastiques en 15 ans, due aux nouveaux modes de consommation.

Lorsqu’on ajoute à ces chiffes, le fait que les gobelets plastiques mettent 500 ans soit pas moins de 20 générations d’une même famille à se dégrader, il est devenu urgent de réellement poser des actes concrets en vue de changer nos comportements et nos habitudes mais également de trouver des alternatives accessibles et durables à cette déferlante plastique.

Le plastique : un réel problème et une nuisance à la résilience écologique

Chaque seconde, 100 tonnes de déchets sur les 4 milliards de tonnes produites annuellement dans le monde, finissent en mer. Les micro-plastiques sont ingérés par la faune marine et au Sénégal où le régime alimentaire est très riche en produits marins et halieutiques, cela signifie que les plastiques que nous utilisons et dont nous ne voulons déjà pas en réalité (puisque nous sommes si prompts à les jeter) se retrouvent déjà dans nos thiébou dieune tant prisés. 

Là encore, c’est pour les espèces qui survivent car environ 100.000 animaux marins sont tués chaque année à cause de la pollution plastique[i].

Au Sénégal où dans les usages les populations tendent à ensevelir les déchets ou à les incendier pour s’en débarrasser, les dégâts causés par les mauvaises tentatives de gestion des déchets plastiques peuvent être aussi néfastes sur l’environnement et les populations que ceux causés par la pollution plastique en tant que telle.

A ce propos, Fatma Sylla se désole : « Les capacités de nuisances de ces déchets solides à l’environnement sont largement prouvées surtout en termes de pollution et de destruction de la biodiversité. La défaillance du système de gestion des déchets solides fait que de nombreux déchets plastiques finissent dans les océans ou enfouis dans le sable. L’enfouissement des matières plastiques a des répercussions sur le taux d’infiltration des eaux de pluies, qui au fil des années devient très faible provoquant une stagnation des eaux voire même des inondations. L’ensevelissement des micro plastiques peuvent être des sources de contamination pour les eaux souterraines utilisées généralement pour l’irrigation des parcelles à usage agricole. En outre, les déchets plastiques dans le sol entrainent une perte de biodiversité et une contamination des ressources naturelles, et cela a par conséquent des répercussions sur le cycle de chaine alimentaire.

Ainsi, une étude publiée dans Nature montrait que l’on trouvait des traces de micro-plastiques tout au long de la chaîne alimentaire terrestre, y compris dans les organes de certains animaux ou oiseaux. Évidemment, cela concerne aussi les animaux d’élevage que nous consommons[ii].  La perte de biodiversité elle se manifeste par la disparition de nombreux espèces surtout halieutiques qui ingèrent des quantités importantes de micro plastiques »

L’urgence d’agir

Andandoo Waññi Plastik est une invitation au changement de nos comportements et de nos relations avec le plastique. La question à se poser est vraiment de savoir si la facilité et la commodité que peuvent hypothétiquement conférer 5 à 7 sachets plastiques différents ramenés au bout de quelques heures passées à faire nos marchés et nos emplettes, valent l’impact que cela sur l’environnement sur 500 ans.

Et à ce propos, la réponse Djibril Niang de JVE est claire :

« Les déchets plastiques inondent le Sénégal. Ils ruinent la biodiversité avec des conséquences extrêmes allant jusqu’à décimer une bonne partie du cheptel sénégalais.  Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, 5 millions de sachets plastiques sont utilisés chaque jour au Sénégal, ce qui est à l’origine du péril plastique que nous vivions de nos jours. Encore que plusieurs sachets ne sont pas biodégradables et sont jetés partout.
Ces sachets qui entraînent la disparition de plusieurs plantes, tuent des animaux et rend le paysage monstrueux. Jonchés sur terre, en mer et planant parfois au sommet des arbres, le mal est tentaculaire. L’hygiène des humains s’en trouve fortement éprouvée, de même que l’agriculture et la pêche.
 Ce sont les plastiques qui décorent l’entrée et la sortie de nos villes. Ce n’est pas beau à voir et l’heure est à l'action.

Nous avons en 2014 lancé une pétition - avec M. Ali Haïdar, ministre de l’environnement à l’époque - qui a conduit à la loi sur le plastique qu’il faut aujourd’hui faire appliquer car une meilleure gestion des déchets ménagers commence par l’interdiction de l’utilisation des sachets plastiques comme l’ont fait tous les pays soucieux de l’environnement et en disposant de vrais plans de gestions des déchets.

Le Sénégal doit s’aligner sur cette vague d’interdiction du plastique comme la plupart des pays de ses pairs africains, qui sont aujourd’hui cités en exemple, l’ont fait. Au-delà de l’interdiction, nous devons nous concentrer sur le recyclage des milliers de tonnes de plastiques présents sur notre terroir à travers par exemple la revalorisation. Les technologies et les compétences sont disponibles et à la portée de toutes et tous.  Nous devons aussi continuer la sensibilisation et le plaidoyer auprès des décideurs-euses et des populations pour une prise de conscience et des actions à l’échelle nationale contre le péril plastique. »

Et Djibril Niang n’est pas le seul de cet avis. Dans cette initiative « Andandoo Waññi Plastik », la hbs a été spontanément rejointe par un ensemble d’actrices et d’acteurs toutes et tous unanimes sur l’urgence de pallier à la pollution plastique au Sénégal avec des actions concrètes.

Des populations de Ndiarème Limamoulaye aux étudiant-es de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le message autant que la nécessité d’un engagement commun pour éradiquer le fléau plastique a été clair : « … Il est important que nous-mêmes fassions passer les messages car il nous manque vraiment les prises de conscience nécessaires aux changements. Il nous faut vraiment nourrir un esprit et une vision de développement durable en nous. … » l’a rappelé un étudiant de l’UCAD.

 

Des alternatives concrètes et à portée de tout le monde sont bien possibles

 

Ndogou Ecolo 2019 à Ndiarème Limamoulaye - Fondation Heinrich Böll - Sénégal

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Aucun sachet ou gobelet plastique n’a été utilisé sur 900 collations de rupture de jeûne servies durant les deux éditions de Ndogou Ecolo organisées par la hbs avec ses partenaires. Cela a conforté les différentes parties prenantes sur la praticabilité des alternatives à proposer. Les sachets en tissus réutilisables même s’ils nécessitent le lavage auquel exemptent les sachets plastiques sont une des solutions à préconiser dans nos quotidiens. Les calebasses, les paniers de marché, refuser un sachet de plus lorsqu’on fait ses achats lorsqu’on en a déjà un qui peut contenir ce qu’on achète, emmener son gobelet réutilisable au travail, à l’université ou à l’école et s’y faire servir à chaque fois qu’on achète son café ou son thé. Ainsi de suite. Par des petits ou de plus grands gestes, le changement est bel et bien possible et commence dès maintenant mais nécessite que nous y mettions toutes et tous du nôtre.

Et réduire considérablement l’utilisation des contenants plastiques à usage unique, l’une des approches prospectives dans la lutte contre la pollution plastique au Sénégal, ne relève pas de l’utopie. C’est d’ailleurs l’exercice auquel la fondation, ses partenaires mais également les participantes et participants aux différents « Ndogou Ecolo » se sont prêtés avec succès les 16 et 23 mai 2019.

Comme le disait Modou Fall de Sénégal Propre

« … Eradiquer ce phénomène consiste d’abord à revoir nos comportements. … Il ne faut vraiment nous familiariser à de nouvelles habitudes plus durables et saines pour notre bien-être commun et celui de notre environnement… »

 

Ndogou Ecolo 2019 à l'UCAD - Fondation Heinrich Böll - Sénégal

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Note 1 : Nos remerciements à nos partenaires JVE, Sénégal Propre, Fondation pour le rayonnement durable de l'ESEA, le Campus Vert, la mairie de Ndiaréme Limamoulaye, Jeunes Environnementalistes du Sénégal Association des Jeunes Géologues et Environnementalistes du Sénégal (AJGES), JEV, Association MADIBA, Collectif des amicales de l’UCAD pour l’environnement, WASH For All.

Note 2 : Pour mieux comprendre les menaces de la pollution plastique sur les écosystèmes marins, vous pouvez lire notre Atlas de l'Océan. Nous avons également publié un Atlas du Plastique (en allemand) dont une version en français sera bientôt disponible en ligne et en imprimé dans nos bureaux. 

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